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25 mai 2006

Les aventures de Polycarpe -24ème épisode


LE VIEUX LOGIS
 
CHAPITRE XXIV
 
Terminus ! Tout le monde descend !
Ici s'achève le premier volume de la série des Polycarpe
Sur une petite fiesta amicale…
 
 

Plus tard, chez Basile, Polycarpe s’étonna des aveux inattendus de Chimène. Mais celui-ci brandit une feuille de carnet déchirée, recouverte d’une grande écriture hérissée, tracée au crayon de bois, qu’il tenait de Berouette.

- Après avoir découvert ce mot laissé par sa mère avant son départ en fourgon, Berouette voulait se pendre haut et court ! Je suis arrivé à temps !

Il lut :

 
 Berouette, je me rends. Fais pas d’histoires. T’as qu’à noyer les chats. Apporte-moi des bonbons menthe réglisse la pie qui chante quand tu viendras me voir. Ça sera sûrement pas pire que l’hospice. Et je vais enfin vivre aux frais de la princesse. D’ailleurs, j’en ai marre de me cailler dans les troglos. Ta mère.
 

L’incarcération de Chimène et l’aveu de son forfait, constituaient un événement à l’échelle du canton et resserrait, du moins momentanément, les liens entre les habitants de la commune qui s’interpellaient, discutaient beaucoup.

Il n’était pas rare d’entendre ronfler les tracteurs, aux remorques chargées de paille, arrêtés au point mort en pleine rue, le temps pour leurs propriétaires d’écluser des petits gorgeons en bavardant avec les riverains.

Quelques chaises avaient fait leur apparition sur les trottoirs, dans l’ombre des maisons, propice aux causettes. Si bien que des randonneurs fourvoyés par mégarde à Rochebourg, appréciant cette exceptionnelle convivialité, réservaient un « buffet campagnard » chez Basile pour y amener leurs amis. Lesquels découvraient avec ravissement la boutique d’Imogène, qui vendait maintenant, en sus du miel et du pain d’épices, des bouquets de fleurs séchées et les ouvrages au point de croix de Pélagie Ducoin.

 

Le vendredi qui précéda l’inauguration de sa cuisine, Polycarpe, en pyjama, ses demi-lunes sur le nez, était en train de faire le mot croisé du Nouvel Echo, en buvant son café matinal lorsqu’il reçut la visite à l’improviste de Flora. Regorgeant d’énergie, dans un accoutrement vaguement sportif, encombrée de chiffons et de produits de nettoyage, elle se planta au milieu de la pièce, eut un regard circulaire appréciant les transformations :

- Très réussi. Où planquez-vous votre escabeau ?

- Flora ! Quelle mouche vous pique ?

- Nous sommes le 3 août ! annonça-t-elle, comme si Polycarpe avait perdu toute notion temporelle.

- Et alors ?

- Je suis révulsée par vos carreaux chaque fois que je passe devant chez vous ! Vous n’allez pas recevoir vos amis et votre famille dans cette porcherie !

- Holà ! Minute papillon ! Je petit-déjeune. Un café ?

- Tout à l’heure, à la mi-temps !

Elle se mit à astiquer les vitres. Dans l’impossibilité de traînasser plus longtemps, il alla se vêtir décemment et  entreprit de laver mollement le sol à grands coups de serpillière.

C’est à la mi-temps décrétée par Flora, alors qu’ils étaient assis devant une tasse de café, que Lily appela depuis la gare, avant de prendre l’Eurostar. Elle et Witson avaient prévu de faire étape à mi-chemin chez des amis et d’arriver le lendemain, pile pour la réception.

Il passa le reste de la journée sur un petit nuage, dans la perspective de revoir Lily. Et put enfin s’offrir une grasse matinée, le lendemain, sans aucun risque d’être dérangé par une Flora en mal de nettoyage.

 

Vers quatorze heures, le jour J, Calamity descendit de Bourrache, sa jument pie, et accrocha la longe à l’anneau séculaire du logis.

- Je viens proposer mon aide et prendre les instructions ! lança-t-elle en entrant. Oh !... Je vous dérange ! Est-ce que vous méditez ?

Polycarpe oscillait d’avant en arrière en se tenant la cheville, assis par terre. Il tourna la tête vers la jeune femme et lui décocha une œillade pitoyable.

- Je viens de me tordre la cheville, en ratant la marche du jardin.

- Montrez-moi... Elle enfle à vue d’œil !

Il se mit laborieusement debout et sautilla à cloche-pied vers une des chaises qui entouraient la grande table, en ruminant dans sa barbe.

- Je vais annuler ma réception, soupira-t-il, en paraissant souffrir le martyr.

- Ah, non ! Impossible ! se récria Calamity. Je vais chercher de quoi vous soigner. Pendant ce temps, établissez la liste des choses dont vous avez besoin. Nous viendrons vous donner un coup de main, Imogène et moi. Vous vous contenterez de nous donner des ordres. À tout de suite !

Polycarpe se souvint de la canne qu’il avait aperçue dans le débarras. Il alla la chercher en sautillant puis claudiqua à la recherche d’un papier et nota ce qui lui manquait pour recevoir une quinzaine de personnes. La veille, il avait déjà fait provisions de boissons, d’amuse-gueule, de gobelets, d’assiettes en plastique et de nappes en papier, mais il n’avait aucun produits frais. Il joignit deux billets de banque à la liste.

Vingt minutes plus tard, Calamity arrêtait sa Cherokee devant la porte et brandissait une petite cassette métallique comportant une croix rouge. Avec une dextérité d’infirmière, elle massa la cheville, la banda en épi et consigna le handicapé auprès d’une fenêtre, dans son fauteuil, les jambes reposant sur un guéridon.

- Installé de la sorte, votre canne à la main, vous en imposez ! dit-elle.

Elle avait un irrésistible sourire et il fondit sous son regard d’améthyste.

- Je serai de retour vers seize heures, d’ici là : interdiction de bouger. Tenez, ajouta-t-elle, en lui collant dans les mains la télécommande.

Polycarpe attendit le départ de cette belle fille pleine de vitalité, si amicale, pour asséner un poing rageur sur le bras du fauteuil. Désœuvré, il visionna sans passion la grande migration des gnous dans le sud africain.

Se rappelant qu’il devait appeler le curé de Soutrain, il boitilla à la recherche de l’annuaire et composa le numéro du presbytère. Un voix, légèrement nasillarde répondit immédiatement :

- Démosthène à l’appareil. Que puis-je pour vous ?

Polycarpe se présenta et tenta de résumer son histoire à l’essentiel avant de poser la question cruciale :

- Quelle était l’origine des documents découvert dans les galeries ?

- Il s’agissait de deux lettres. Plutôt récentes, datées des années quatre-vingt, je crois… Voulez-vous confirmation ? Des courriers administratifs apparemment sans intérêt particulier…excepté sans doute pour la personne qui les a cachés ! Je les conserve ici, dans le placard de la sacristie, par acquit de conscience… À l’occasion, passez les examiner !

- Je suis actuellement handicapé par une entorse, précisa Polycarpe.

- Quand vous irez mieux, alors… Je vous ai aperçu devant chez vous l’autre jour, monsieur Houle.

- La prochaine fois, n’hésitez pas, présentez-vous, je vous accueillerai. Mais ne vous faites pas d’illusions : je suis une ouaille définitivement égarée…

- Ça ! J’ai l’habitude, fit-il, avec un fatalisme enjoué.

 

Calamity fit son retour en milieu d’après-midi en compagnie d’Imogène. Il observa leur dextérité à garnir des plats, les recouvrir et les entasser dans le frigo, à disposer le matériel sur les nappes en papier, organisant la réception en deux temps, trois mouvements. Elles se moquaient de son air taciturne qui, soudain, s’effaça lorsque, vers dix-huit heures,  Lily s’encadra dans l’entrée, dans une pose de toréador, une jambe en avant, un bras en l’air.

- Papycarpou ! C’est nous !

Et elle accompagna son exclamation d’un sonore pas de claquettes.

- Voici ma fille ! annonça-t-il, en riant de ses extravagances. Lily, je te présente mes amies !

Lily cingla vers elles, en faisant valser une large jupe à pois tout en dénouant un foulard qu’elle fit claquer. Puis elle se figea,  tourna sur elle-même en admirant la grande pièce d’un œil plissé par une ironie génétique avant de conclure :

- C’est magnifique ! 

Elle picora gaiement les joues des deux femmes, puis fonça ensuite, avec une expression de tendre commisération, vers son vieux papa immobilisé :

- Qu’est-ce que c’est que cette canne ! Et ce bandage ! Ne me dis pas que tu as fait une chute !

- Hélas, si.

Elle lui tapota la main et s’assit sur le repose-pied avec un soupir de théâtre, trahissant une compassion superficielle si drôle qu’il en riait tandis que Zorba et Jacobine entraient en se bourrant de coups.

- Les enfants ! gronda Lily. Ils sont déchaînés. Venez embrasser votre grand-père.

Ils se frottèrent les joues en grimaçant.

- Tu piques, Papycarpou.

- C’est quoi, cette barbe ! s’étonna subitement Lily. Ça ne te rajeunit pas ! N’est-ce pas Witson ?

Witson passait la porte en tenant le petit sac à main de Lily comme un filet à provisions. Polycarpe pensa que son gendre ressemblait de plus en plus à une otarie : il en avait la mollesse, l’ampleur et le côté inoffensif. Mais Polycarpe ne sous-estimait pas sa remarquable intelligence.

- J’ai garé la voiture devant le pub, dit-il, en offrant sa main au blessé. Un problème, Papycarpou ?

- Rien de grave. Salut Witson.

- On peut visiter ? demanda Lily, depuis le hall.

Tandis que Lily et les enfants galopaient de pièce en pièce, Witson s’intéressa aux travaux réalisés, friand de détails techniques, en décapsulant sa première bière. Polycarpe se sentait en harmonie avec son gendre.

Une heure plus tard, Gix fit une énigmatique entrée, en éclaireur, laissant le reste de la troupe des invités massée à l’entrée. Il s’assura que Polycarpe, en patriarche, trônait, entouré de sa descendance, avant de faire entrer la famille Boubou, Basile et Calamity, Pierre et Rosemonde de Touche, Évariste sans sa Félicité, Petit Lu et sa Maryline, les Sarrasin, Imogène, Flora et Jésus. Puis  il aida Mama à poser délicatement sur le sol une grande et mystérieuse chose enveloppée d’un tissu.

- Un. Deux. Trois ! Cadeau ! scandèrent-ils avec un bel ensemble.

Mama dévoila son œuvre. Tous s’exclamèrent de surprise et Polycarpe béa d’admiration.

Le tableau représentait une salle médiévale éclairée depuis le fond par une fenêtre aux larges rebords qui déversait un flot de lumière sur une jeune femme, évanouie sur un carrelage à damiers, dans un bouillonnement de jupons blancs dévoilant le haut de ses bas.

- Ma vision ! Version érotique ! jubila-t-il. Il est vraiment magnifique. Merci à tous et portons un toast à Mama ! Je suis très touché…

- Allons dans le jardin boire un verre, lança Lily.

En s’approchant de Papycarpou, clopinant vers le jardin, elle le questionna avec sévérité, comme s’il passait son temps à faire de séniles excentricités :

- Tu as des visions, maintenant ?

- Il se passe ici des choses fantastiques, dit-il à sa fille en lui décochant un sourire sibyllin, captant Marie Bulu au passage pour une affectueuse  et reconnaissante accolade.

- Mama, c’est somptueux !

 

Witson et Gix transportèrent le fauteuil de l’éclopé sous le cerisier. De son poste d’observation, Polycarpe put détailler la jolie vendeuse du 7 sur 7 de Bux qu’Évariste, en éventuel beau-père, essayait de sonder. Il vit que Witson, passionné de mécanique et de vieilles voitures, avait découvert en Petit Lu, son interlocuteur de la soirée, que Lucie Sarrasin papotait vivement tricot avec Flora en grignotant près du buffet. Calamity, Lily et Mama riaient facilement tandis qu’elles tartinaient des petits sandwichs. Les jeunes enfants Boubou et les petits Witson semblaient se démultiplier, apparaissant et disparaissant, dans une sarabande effrénée. Gix discutait avec Sarrasin et Pierre de Touche des imposteurs infiltrés dans les ONG, tandis que Basile veillait à maintenir un bon niveau de vin dans les verres, escorté de Rosemonde qui présentait des croquembouches avec d’ondulantes attitudes.

Polycarpe se demandait combien de temps Imogène allait naviguer de groupes en groupes, avec cette fébrilité suspecte, avant de venir près de lui. Elle s’approcha enfin, lui apportant une assiette de petits canapés et un verre de pétillant.

- Qu’avez-vous, Imogène ? demanda-t-il. Je vous trouve bizarre.

- J’ai remarqué quelque chose, en allant dans votre salle de bain.

Polycarpe piqua sa canne dans l’herbe, avec contrariété. Il y avait un joli foutoir de vêtements sales et bouchonnés.

- Que faisiez-vous dans ma salle de bain ?

- Une retouche de maquillage.

- Ah ! dit-il, en examinant son visage, sans voir de différence.

- J’ai remis du rouge, précisa-t-elle.

- Mais bien sûr ! s’adoucit-il.

En la découvrant soudain lumineuse, il lui sourit :

- Et que s’est-il passé ?

- Dans la grande chambre, Jésus et Muguette… Ils font l’amour.

- C’est trop mignon ! s’exclama-t-il, soudain joyeux. Voyez-vous, Imogène, parfois, je regrette cet âge-là. Pas vous ?

- Eh ! bien... Auriez-vous forcé sur la sangria, Poly ?

 
                                                                               FIN

19:50 Écrit par Claudine | Lien permanent | Commentaires (2) |  Facebook | |  Imprimer | |

Commentaires

J'aime bien la sangria ! On va s'ennuyer sans Polycarpe, zut !

Écrit par : Rony | 26 mai 2006

Rony, Polycarpe n'est pas mort ! J'écris le prochain... Il y 4 histoires qui attendent d'être publiées... Et c'est pour bientôt, d'ici Septembre si tout va bien.
Tu as d'ores et déjà ta carte du fan-club !

Écrit par : Claudine | 27 mai 2006

Les commentaires sont fermés.