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28 août 2017

Unis vers l'Art, Univers l'art...

romancier, ecrivain, auteur, orpailleurJ'ai retrouvé ce texte en faisant le ménage de mon ordinateur...
Je suis toujours d'accord avec moi-même, c'est plutôt réconfortant.
Et j'ai envie de partager ces idées avec vous :

 

 

Pour un nouveau roman…

Chaque génération innove, normal, puisque le roman suit l'histoire son époque…

Le roman de Renart prône l'astuce pour survivre, les farces, les contes et les soties mettent le petit peuple en scène dans un monde féodal que menacent les famines et il est beaucoup question de jambons volés.

Rabelais est contemporain de la découverte des Amériques et son Gargantua franchit les montagnes en trois enjambées.

La Fontaine, La Rochefoucault, Molière, au temps du roi Soleil décrivent les clivages de la société, son peuple et ses princes, les courtisans, les imposteurs, et affichent ou sous-entendent une morale.

Dans Marivaux, la confusion des maîtres et des valets préfigure la révolution, comme les théories nouvelles de Rousseau.

Les épopées napoléoniennes inspirent Stendhal tandis que la Restauration qui annonce le pouvoir de la bourgeoisie voit l'apogée du roman d'entrée dans la vie avec Flaubert et Balzac, dont les héros ont pour objectif la réussite sociale.

Si la Commune devient le décor de fictions où Victor Hugo, George Sand découvrent de pauvres gens héroïques, bons, plus tard le naturalisme d'un Zola, contemporain  montrera la monstruosité de l'âme humaine  au moment de l'exposition coloniale.

Au XXème siècle, certains romanciers - et non des moindres - batifoleront dans les bas-côtés de l'Histoire comme Colette ou Proust, Vian alors que les guerres, les dictatures et les exactions feront naître des auteurs  comme Sartre, Camus, Aragon… et pour une part, Duras.

Les auteurs d'aujourd'hui ont été nourri des précédents et ont retenu la leçon de l'engagement. Cinquante ans après fleurit le "polar", un genre noir sur lequel flotte le drapeau noir de l'anarchisme, né dans les années 70, se sentant la mission filiale d'empêcher la résurgence du fascisme. Voire de dénoncer des collusions brun/ rouge…

Le polar, littérature noire  a eu son heure de gloire en opposition bipolaire avec la littérature dite blanche qui s'est réfugiée dans l'égotisme, les états d'âme et des récits de performances sexuelles… et souvent cantonnée dans le blanc sale, mal lavé, avec des thèmes racoleurs, au plus près des problèmes de société.

Dans la brèche laissée vacante entre ces deux genres, se sont mises à fleurir une littérature de l'irréalité.

Parallèlement aux avancées technologiques est née la SF.

Par refus du noir, du blanc, de la SF mais par besoin de rêver, la littérature fantastique a trouvé des adeptes parmi les adultes et les enfants.

Alors, quelle littérature pour demain ?

La littérature mentionnée ci-dessus trouvent des résonances avec l'Histoire, sans jamais s'y engluer.

- sachant qu'on est entré dans l'ère du terrorisme et du meurtre sauvage aveugle, avec un mélange des genres : bagarres entre les religions des uns et les états des autres, entre Allah et la Démocratie, Bouddha et le communisme…

- sachant que la mondialisation a rapetissé la Terre comme une orange, qu'on est tous à quelques heures de son antipode, et que la planète est en danger de mort par pollution,

- mais sachant aussi que les œuvres artistiques ne sont pas des travaux de journalisme,

- sachant que l'art, dans son essence même, offre une représentation (re-présentation) du monde au travers les yeux d'un artiste et qu'il y a autant de re-présentations que d'artistes,

- sachant que l'art permet à chacun de redécouvrir son univers et l'Univers, voire de re-venir vers ce qui a été trop vite laissé au bord de la route, au profit de la facilité, du profit.

En conséquence :

- Je prône un retour de l'art littéraire comme re-présentation de l'univers, (unis vers l'art)

- Je bannis la fonction journalistique du roman qui marque le roman dans l'époque et lui donne des rides.

- Je veux militer pour le contenu littéraire du livre contre le livre objet de consommation. (j'ai entendu sur France Inter un jour cette réflexion: "précisons tout de même que certains auteurs de livres sont parfois des artistes" !)

- Créons la dichotomie et militons pour le livre d'auteur opposé aux auteurs de livres

- Sortons du piège littérature noire, blanche… Tout crime, toute mort dans un récit n'autorise pas un éditeur à nous épingler un qualificatif réducteur, on peut très bien faire du blanc-noir à rayures. Nous coller d'emblée dans une catégorie,  c'est du racisme.

- Si les romans sentimentaux peuvent trouver un public, les tragédies font chier et n'ont survécu jusqu'à nous que les comédies. Or Molière n'est pas forcément drôle sur le fond… C'est à dire qu'il faut être attentif à une forme qui fait passer plaisamment des choses déplaisantes.

- Le mystère, les codes secrets, pourquoi pas ? Mais gardons-nous des scènes faciles, style reconstitution du crime au cinéma.

- Et quid de l'humour ? Ne pas abuser d'un trait qui ne fait parfois jubiler que son auteur, l'humour pour être porteur de sens doit être un humour de situation, non de langage sinon, devenons auteurs de sketches

 

romancier, ecrivain, auteur, orpailleurLa pépite de l'orpailleur.

L'art est comme le sexe des anges, ni de droite, ni de gauche.

Être rebelle, c'est contester le livre objet de consommation, se révolter contre le détournement du texte par les marchands de livres, c'est revendiquer l'écriture comme un des beaux-arts, c'est vouloir sortir de l'ornière journalistique, c'est conquérir un lieu de parole.

C'est faire reconnaître par la critique qu'il y a une troisième voie entre le livre conso de masse et les mémoires d'un réfugié cubain, entre l'idéologie de droite et celle de gauche. Et que cette troisième voie n'est pas réservé aux écrivains morts.

La littérature ne doit pas prêcher.

La littérature n'est pas la philosophie.

Si elle parle de l'homme, de son drame existentiel, c'est dans la mise en scène de sa vie. L'écrivain montre les fêlures, la difficulté d'être, les hommes et les femmes en train de se débattre pour trouver un sens à leurs vies, mais il ne détient pas la vérité, il n'illustre pas une pensée toute faite, il ne reconstitue pas le fait divers en romançant un problème de société, car c'est le boulot des journalistes et des historiens.

L'art doit vibrer de la vie, comme un tableau de maître se reconnaît à la vibration de la lumière.

L'écrivain est un modeste orpailleur qui réussit une œuvre si une pépite, même infime, brille dans son texte, qu'un lecteur anonyme portera en lui comme l'amulette du bonheur dans sa vie de merde.

19:56 Écrit par Claudine dans art, les petits secrets de Polycarpe, littérature, style | Lien permanent | Commentaires (0) |  Facebook | |  Imprimer | |

02 mars 2017

La mystérieuse affaire de styles (2)

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Comment définir le "style" en littérature ? Il y a-t-il un style spécifique à chaque écrivain ? Le style est-il influencé par l’époque, le milieu, une idéologie ? Y a-t-il une sorte de secret du style qui expliquerait pourquoi certains auteurs sont passés à la postérité quand d’autres, glorifiés de leur vivant, sont tombés dans le puits de l’oubli ?

Le style, c’est la manière employée par l’auteur pour écrire son texte. De sorte que le "style" du texte renvoie à l’auteur. Nous reconnaissons, par exemple, la plume d’un Céline ou d’un Proust, en lisant un extrait de leurs livres. Il s’agit là de styles littéraires sui generis flagrants. Mais tous les textes passés à la postérité ne sont pas écrits de façon aussi clairement identifiables. Il y a des styles d’écriture, aussi resserrés que le code civil, comme l’exprimait Stendhal, qui propulsent les œuvres hors de leur époque grâce à leur sobriété.

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Le style est une condition indispensable pour assurer la pérennité d’une œuvre. Nous en avons pour preuve le nombre limité d’émotions humaines qui fournissent la matière de tous les récits depuis Villon, Ronsard jusqu’à Albert Cohen… (amour, ambition, haine, avarice), qui sont traités dans divers genres littéraires (théâtre, polar, SF…), et pourtant, chacune de ces œuvres possède sa musique propre, son charme et ses enseignements, portés par leurs styles.

Ainsi, cette "mystérieuse affaire de style" porte en elle la question de la postérité qui n’est autre que le succès durable d’une œuvre, par opposition à son succès immédiat et fugace.

Le succès d’un roman fraîchement publié coïncide rarement avec un succès durable dans la mesure où ce n’est pas le texte qui est porté au pinacle des médias dès sa publication, mais l’auteur. Admettons qu’un roman contemporain soit célébré "hors sol" (sans affinités de l’auteur avec les cénacles de la culture officielle), il y aura toujours un décalage chronologique avec sa publication, le temps que la renommée soit bâtie par les lecteurs eux-mêmes ; c’est un cas extrêmement jubilatoire pour l’éditeur français ‒ deus ex machina du marché du livre ‒ quand la postérité peut coïncider avec la prospérité.

C’est le génie de l’artiste de créer une œuvre qui colle aux questions que se posent les gens aujourd’hui et qui exprimera toujours leurs états d’âme 50 ou 100 ans plus tard, voire plusieurs siècles, comme Molière : la misanthropie, la tartuferie, le snobisme et la fatuité ont existé et existent encore… ou comme Shakespeare ou encore Tchékhov, etc. Toute la difficulté, c’est-à-dire tout l’art, consiste à exprimer ce que ressent l’homme constamment, aujourd’hui comme demain, dans un style qui lui-même sera pérenne, dégagé des considérations démagogiques de plaire à tout prix.

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Voyez Flaubert, voyez Balzac, voyez même Agatha Christie dans un autre genre, un style sobre les préserve de la désuétude et de la ringardise. Un décor daté, tel l’univers balzacien par exemple, ne rend nullement obsolètes les passions, les sentiments, les états d’âme de leurs personnages.

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Un certain style peut flatter le snobisme d’une époque (voir mon article sur « la septième fonction du langage ») mais il peut aussi graver l’œuvre dans une certaine intemporalité, dans l’universalité.

Prenons l’exemple des 2 Bazin, le grand-oncle René et le petit-neveu Hervé. L’auteur de Vipère au poing a décrit une relation mère-fils toujours brûlante de vérité quand le grand oncle prônait des valeurs morales bien-pensantes dans ses romans louangés par d’influents contemporains et ignorés aujourd’hui.

Stendhal qui voulait « montrer la vérité, l’âpre vérité » de la société de son temps avait compris le risque en littérature de coller de trop près au goût du jour, optant pour un style aussi nu que le code civil, afin de rester objectif.

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Il en de même chez Balzac. Relisez Balzac, relisez Les illusions  perdues : dans le décor précisément décrit de son époque, il fait vivre des personnages aux destins éternels, l’ambitieux Lucien qui réussit vite grâce à ses fréquentations dans la presse et le sincère et laborieux David écrabouillé par Lucien… Le lecteur est touché par les aventures de ces personnages. La postérité de l’œuvre de Balzac a surmonté, grâce aux lecteurs, les lamentables critiques de l’époque[1].

Le style de ces écrivains résulte d’un choix, d’une intention de montrer les mœurs de leur temps avec distanciation et un regard critique.

L’écrivain joue avec la palette des figures de styles, de la syntaxe et du vocabulaire pour mettre en valeur des aspects de la société que le lecteur découvrira avec un œil neuf. L’auteur utilise le style, comme Hitchcock utilise la lumière et les ombres dans ses films, pour mettre en évidence les actes et les intentions, le courage ou les faiblesses des êtres humains auxquels le lecteur pourra se référer ensuite dans sa propre existence.

Parmi des pratiques d’écriture qui condamnent un récit au pilon à brève échéance, on peut citer les comparaisons et les métaphores échevelées, le vocabulaire générationnel (veston, bachot), les lieux communs et les images préfabriquées, les reconstitutions historiques cinématographiques, les pastiches, le prétendument pittoresque, l’humour inadapté ou la retranscription évidente d’un texte dicté. Également, ce défaut irrémédiable de dérouler un scénario, d’étoffer un résumé, sans entrer dans le monde parallèle de ses personnages.

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Le choix du temps des verbes d’un récit est un procédé de style intentionnel. La plupart des fictions sont écrites au passé simple. Le passé simple relate les aventures des personnages à n’importe quelle époque et l’écrivain est supposé nous raconter une histoire dont il connaît les tenants et les aboutissants, la fin et la morale. C’est une illusion artistique qui installe le lecteur dans le confort et donne une valeur de témoignage au roman.

Dans L’étranger de Camus, toutes les actions du narrateur sont écrites au passé composé, ce qui introduit une distance entre le narrateur et les faits qu’il relate, il n’est pas concerné, comme un psychopathe dénué d’empathie. Cette tournure grammaticale donne la clé de la fiction.

Comme œuvre écrite au présent, j’ai l’exemple de mon propre roman, le 7ème opus de Polycarpe.

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Tous les autres romans de la série sont au passé simple et celui-là, non. J’ai choisi ce temps pour bien marquer la différence entre ce que vivent mes personnages récurrents dans le présent et ce que d’autres personnages ont vécu de traumatisant dans le passé. J’écris comme Hergé dessinait, délimitant clairement les éléments de ses dessins, je cerne mes personnages par des traits simples et caractéristiques, et j’ai besoin de cette netteté pour mettre en évidence les premiers plans et les seconds plans… L’imparfait et le présent délimitent ainsi clairement dans mon roman le récit des souvenirs dans la fiction. Et pour achever le triptyque chronologique, j’annonce en dernière partie le future heureux qui attend la fille brimée de la famille Torchepot…

Les détails du style liés à la ponctuation (le point-virgule), à l’utilisation de certains mots inusités (bobèche), à l’emploi de la préposition "pour" (qui présuppose sans raison l’intention d’un personnage), de même que la nécessité de varier les débuts de paragraphe et d’intervertir les sujets et les compléments circonstanciels, feront peut-être l’objet, si j’ai le temps, d’un abécédaire… l’abécédaire des Polycarpe

D’une façon générale, un début de roman ou quelques pages prises au hasard, donnent un échantillon du style de l’écrivain, comme la fleurette du chou-fleur est une projection du chou-fleur entier, à l’image d’une fractale.

Le roman est ainsi un objet fractal : le tout est semblable à une de ses parties.

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[1] « Ce livre, dans lequel on n'entre que comme dans un égout, ce livre tout plein de descriptions fétides, ce livre dégoûtant et cynique, est tout simplement une vengeance de M. de Balzac contre la presse. », et sous la plume de Jules Janin : « Jamais en effet, et à aucune époque de son talent, la pensée de M. de Balzac n'a été plus diffuse, jamais son invention n'a été plus languissante, jamais son style n'a été plus incorrect... ». La publication d'Un grand homme redouble les attaques portées à Balzac par la presse et plus particulièrement par les petits journaux, critiques qui vont ternir durablement la réputation de Balzac. Les Illusions perdues, que Balzac considérait comme « l'œuvre capitale dans l'œuvre », sera peu réédité dans la seconde moitié du siècle.