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A propos de la postface de "Mal de pierre" de Milena Agus

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Milena Agus termine le premier paragraphe de sa postface "Comme un funambule" par ces mots : « je ne suis pas écrivain ». « Le mot "écrivain" me fait peur » dit-elle plus loin. Elle se sent comme « quelqu’un qui écrit » qui « a besoin d’écrire ». « Quand j’écris, je ne me complique pas l’existence. Je le fais pour le plaisir »… « communiquer ce que je sens me comble »… « J’écris comme je mange »…

On ne peut pas mieux démontrer être un amateur de génie.

Amateur, puisqu’on ne se préoccupe d’aucune méthode, d’aucune contrainte du métier littéraire.

De génie, puisqu’un envoi postal a suffi pour séduire une éditrice, puis des éditeurs étrangers et que « c’est un succès ».

Je ne suis pas d’accord avec les commentaires autocentrés de Milena Agus qui fait tout de même preuve d’une certaine lucidité en refusant l’appellation d’écrivain.

L’acte d’écrire, qui fonde la vocation d’écrivain, ne peut pas faire l’impasse des questions essentielles à l’Art en général et la Littérature en particulier : pourquoi et pour qui écrire ? comment écrire ? quel point de vue adopter ? quelle ligne de fuite ? quel sera le temps de la narration ? Quel narrateur ? etc.

Les réponses à ces questions, c’est exactement ce qui fait défaut à ce petit roman « Mal de pierre ».

Dans ce retour vers l’enfance, l’hommage à sa grand-mère, ce récit de souvenirs, l’angle de vue est variable (souvenirs d’enfant, voyeurisme d’adulte, projection de fantasmes, images d’Épinal du rescapé de guerre et pas mal de lieux communs…)

Un écrivain, comme un peintre ou un photographe, doit se préoccuper du temps et de l’espace, de la chronologie et de la géométrie, organiser l’œuvre, la bâtir, choisir une source de lumière et un point de vue, ce qui ne se fait pas par instinct ou pour se complaire.

Que ce petit roman ait eu du succès ne signifie pas qu’il témoigne significativement du genre humain, comme le font les œuvres qui nous aident à comprendre nos congénères et notre destin.

Le succès dont l’auteur se félicite est bien sûr relatif ; il s’explique par la conjonction du besoin que le lecteur a de se distraire et que l’éditeur a de prospérer par le nombre et la nouveauté des publications. Des foules d’auteurs brillant au firmament de leurs époques sont tombés dans l’oubli, quand des Balzac, des Tchékhov ou des Flaubert, qui n’écrivaient pas comme ils mangeaient.

« L’argent qu’on gagne avec des droits d’auteur possède la magie des cadeaux-surprises […] Parce que ce n’est pas de l’argent pour lequel on a transpiré, comme celui qu’on gagne avec un travail réel ».

Sûr que Milena Agus n’a pas transpiré !

Et Balzac doit se retourner dans sa tombe.

Écrit par Claudine Lien permanent | Commentaires (0)

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