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15 janvier 2006

Les aventures de Polycarpe - 2ème épisode

Amis blogueurs, comme convenu voici la suite des Aventures de Polycarpe.

NB :  - j'ai mis dans la rubrique "à propos" ce que vous pourriez avoir  envie de savoir sur my little person et que je n'ai pas envie de développer ici.

         


LE VIEUX LOGIS
 
Chapitre II
 

Le téléphone sonna alors qu’il petit-déjeunait sur un coin de table, au milieu de son chantier. Il perçut une voix féminine aux intonations chantantes.

 - Nous ne nous connaissons pas encore, monsieur Houle. Je m’appelle Imogène Cordet, je tiens le petit commerce de miel et pains d’épices dans la rue du Château.

- Je dois vous féliciter pour vos excellents produits que j’ai dégustés chez Basile Bot. Je n’ai pas encore eu l’occasion de pousser la porte de votre échoppe.

C’était une petite boutique à l’ancienne, aux vitrines en demi-cercle de part et d’autre d’une porte basse à laquelle on accédait en descendant trois marches. Des pots de miel d’essences variées y étaient exposés ainsi que des boîtes de cire d’abeilles et autres produits dérivés de la ruche.

- On dit que vous travaillez comme un forçat dans le logis, fit gaiement Imogène Cordet.

- Disons que je bricole. Pour le gros-œuvre, je déléguerai...

- Figurez-vous que je viens vous donner l’occasion de poser vos outils, temporairement, bien sûr.

- Que me proposez-vous ?

- C’est une suggestion. Maintenant que vous êtes un citoyen de Rochebourg, ne souhaiteriez-vous pas faire la connaissance des plus dynamiques d’entre eux, farouchement décidés à ressusciter le patelin ?

- C’est un groupuscule politique ? s’enquit Polycarpe, avec méfiance.

Imogène Cordet émit un gloussement.

- Qui sait ? Certains d’entre se présenteront peut-être un jour aux élections ! Pour le moment, ce n’est pas à l’ordre du jour : nous formons une association locale et indépendante pour la promotion des arts et de l’artisanat.

- Félicitations pour cette initiative, mais je vous préviens : je ne suis ni artisan, ni artiste.

- Ce n’est pas indispensable. L’alipa a aussi besoin de soutien moral et parfois d’un coup de main. J’aimerais vous expliquer tout ça de vive voix. Voulez-vous passer à la boutique ou préférez-vous que je vous rende visite ?

Confronté à cette alternative sournoisement dolosive, Polycarpe considéra son chantier. Il choisit la première option et proposa le lendemain, dans la matinée.

D’un certain point vue, le coup de fil d’Imogène Cordet lui faisait plaisir. Il était content d’être sollicité en tant qu’habitant adoubé de Rochebourg, même si la perspective de ces réunions où l’on déblatérait de tout et de rien et où chacun se gonflait d’importance, ne l’emballait pas.

Tandis qu’il répondait au téléphone, en regardant vaguement par la fenêtre, un cabriolet décapoté, bleu glacier contourna le chêne de la place ; la conductrice, à la façon des héroïnes d’Hitchcock, portait des lunettes noires, la tête serrée dans un petit fichu, et observait chaque maison. Un agent immobilier ? Une touriste étrangère résidant dans quelque gîte des environs ? Le cabriolet, ayant fait demi-tour, repassa au ralenti devant le logis ; la pseudo starlette examina la maison, croisant le regard de Polycarpe, avant de prendre de la vitesse et de disparaître dans les virages de la colline.

 

Le lendemain, il pénétra dans le petit magasin dont l’enseigne annonçait : « miels et pains d’épices » en lettres pyrogravées sur une grume de pin. Les bâtonnets d’une clochette tintèrent et il attendit en détaillant les produits empilés en quinconce sur des étagères.

Une main, longue et brune, puis un bras remuèrent les perles d’un rideau et une femme apparut, l’air hagard, dans une tenue chinoise en soie noire. Elle était grande et mince. Ses cheveux peu épais, ni longs ni courts et mal coiffés dont elle devait elle-même cisailler la frange pas très régulière, encadraient un visage allongé aux pommettes saillantes, aux narines translucides, que des grands yeux et une bouche sensuelle rendaient atypique. Entre une quarantaine marquée et une cinquantaine bien conservée, Polycarpe lui attribua aux environs de quarante-cinq ans. Elle lui demanda ce qu’il désirait, la paupière alourdie sur un regard blasé.

Il n’imaginait pas ainsi la personne entendue au téléphone. Il se présenta :

- Le forçat du logis. Je viens voir Imogène Cordet.

La métamorphose fut spectaculaire : toute sa personne rayonna comme si elle reprenait vie et elle eut un sourire asymétrique qui la rendait charmante.

- Entrez, passons derrière, nous serons mieux pour bavarder !

Considérant sa première impression, Polycarpe craignit d’être importun.

- Vous ne me dérangez pas le moins du monde. J’étais dans ma comptabilité... la TVA... et, ce genre de truc, ça me mine...

Derrière la boutique, il découvrit une pièce claire, prolongée d’un balcon sur pilotis, qui surplombait une petite enceinte de verdure en contrebas, accessible par un escalier extérieur. La pièce était meublée de bric et de broc, des jetés de couleurs vives recouvraient des fauteuils en rotin et un clic-clac. Quelques affiches de galeries d’art égayaient les murs.

Elle se mit à parler, très volubile, laissant parfois en suspend ses bavardages pour sauter du coq à l’âne.

- Appelez-moi Imogène, dit-elle, au milieu d’une phrase où elle lui exposait l’historique, au demeurant récent, de l’alipa dont elle était la présidente.

Puisque les élus ne semblaient préoccupés que par le plan d’occupation des sols, les ravalements des édifices et l’agrandissement du cimetière, les habitants se prenaient par la main. Avec un cadre pareil et un château, il suffisait d’avoir des idées. La première idée, suggérée par Marie Bulu, était une exposition d’œuvres peintes ou sculptées. Basile Bot, le vice-président, avait proposé d’accueillir des troupes de théâtre qui se produiraient dans les ruines. Constance Sirre voulait organiser un concours de dictée, une foire aux livres anciens. Évariste Verpré proposait un jour de brocante.

- Évariste Verpré, le père de Petit Lu ?

- À la bonne heure, vous connaissez déjà du monde.

- J’ai contacté Petit Lu, il est d’accord pour venir nettoyer mon jardin.

- Parfait, ça lui fera le plus grand bien. Ce garçon est  complexé. Je vous offre un café ?

- Bien volontiers. Je suppose que vous devez obtenir des autorisations spéciales pour occuper des lieux comme le château ?

- Le propriétaire actuel est d’accord pour accueillir nos animations. Le comte est assez large d’esprit, vous savez. Il a d’ailleurs pris sa carte de membre honoraire pour soutenir nos initiatives. Les subventions qu’il reçoit des Monuments historiques sont employées à éviter l’effondrement des corniches sur la tête des promeneurs. En contrepartie, Pierre de Touche autorise les visites de « la chambre rouge ». Vous devriez la voir, c’est impressionnant !

Tandis qu’Imogène jacassait en versant l’eau bouillante sur un filtre, dans son petit coin kitchenette, le regard de Polycarpe errait sur le tapis de la table, le dessus d’un petit buffet en pin. Il n’y avait nulle trace d’un quelconque document comptable, pas même un relevé de banque. En revanche, un gros cahier broché, refermé sur un crayon dont la petite gomme usée dépassait les feuillets, attisa sa curiosité. Il l’entrouvrit furtivement. Sur la première page, il lut : « Étude d’un cas de machisme paranoïde par I.Cordet ». Une grande moitié du cahier était remplie d’une écriture fine, élancée, volontaire.

- Alors, viendrez-vous à notre prochaine réunion, vendredi prochain ?

Il referma prestement l’ouvrage manuscrit, bluffé par ce titre.

- Comment refuser de connaître l’élite branchée de Rochebourg...

En arrivant, tout à l’heure, il avait interrompu la psychanalyste ce qui expliquait sans doute l’air songeur de la marchande de miel. Pourquoi avait-elle prétendu faire sa déclaration de TVA ? Étudier un cas de « machisme paranoïde »  était certainement un hobby respectable, même si c’était, pour lui, du chinois.

Décidément, après Basile et Mama, Imogène aussi avait deux visages. « Bienvenue à Janus City ! ».

 

C’est en revenant de sa visite à Imogène qu’il découvrit assis devant chez lui un gros baraqué aux longs cheveux attachés en catogan, dont la fine moustache et une barbichette à la Richelieu avaient été probablement étudiées pour viriliser un visage porcin, affligé d’un double menton et de grosses joues couperosées. En attendant l’occupant du logis, il s’était assis sur l’une des deux bornes tronquées qui encadraient la double porte vitrée de la cuisine et se rongeait les ongles avec une application gloutonne.

En voyant Polycarpe approcher, il se mit debout, s’essuyant les doigts sur son jean, et balbutia un bonjour craintif. Il dépassait Polycarpe d’une bonne tête et semblait encombré de son corps.

-  Je suis Petit Lu, dit-il, en rougissant.

- Enchanté !

Polycarpe agita avec énergie la grande main molle et potelée du jeune homme.

Ils traversèrent le chantier de la cuisine puis passèrent dans le hall de l’entrée.

Avant de rendre à ce large corridor sa fonction originelle, il était impératif de jointoyer le linteau du porche donnant sur la place et qui menaçait effondrement.  C’était le point stratégique de la bâtisse qui distribuait les pièces du rez-de-chaussée et d’où partait, vers les étages, un escalier massif de chêne noirci par cinq siècles ; il donnait également sur le jardin, par une porte rafistolée avec des plaques de zinc.

Petit Lu lança un regard apeuré vers l’étage, se rapprochant de Polycarpe au point de le heurter.

- Excusez.

- Bon sang, regarde où tu marches !

- Ces vieilles baraques, ça me fout les boules.

Après avoir examiné le froussard qui cherchait une contenance en se grattant compulsivement la nuque, Polycarpe haussa les épaules.

Comme tous les jardins de Rochebourg, celui-ci était clos de murs en pierres extraites des galeries. L’herbe, les chardons, des orties, des sureaux et des sorbiers l’envahissaient. Impossible de se frayer un chemin jusqu’aux vestiges d’une serre vitrée qu’on apercevait dans le fond. Polycarpe n’avait d’ailleurs jamais poussé la curiosité jusque là. Il n’était pas jardinier.

-   Il faut rendre cet enclos accessible, couper l’herbe, tailler les branches...

-  Vous avez des outils de jardin? demanda Petit Lu, faisant preuve d’un esprit pratique de bonne augure.

- Si tu es d’accord avec mes conditions, je m’approvisionne dans une jardinerie dès aujourd’hui. Je te propose un forfait défrichage de trois cents euros. Mais si tu traînes, tu seras perdant, OK ?

- C’est bon. Ça va calmer mon vieux qui veut me voir bosser. Je commence quand ?

- Demain ?

- Bof, si vous voulez.

Fort des recommandations de Basile Bot, Polycarpe décida d’être ferme.

- Je veux te voir, tous les matins, à neuf heures tapantes. Tu peux apporter ton casse-croûte et manger ici, pour gagner du temps... 

- Ça marche, bon ben, je me sauve.

 Petit Lu rebroussait chemin illico comme un type à l’emploi du temps minuté.

- Eh, y a pas le feu ! Je t’offre un verre ?

- C’est qu’il est midi. Je déjeune avec mon père et le mercredi, il embauche de bonne heure à l’imprimerie.

« C’est vrai que la bouffe pour ce pouf-pouf ça doit sacré. »

Polycarpe rengaina sa cordiale proposition et reporta l’investigation qu’il voulait mener pour savoir si Petit Lu, à l’instar des autres rochebourgeois, possédait une double personnalité.

 

Il déjeuna rapidement avec l’intention partir de bonne heure dans la zone commerciale de la banlieue de Chassac, la ville importante la plus proche de Rochebourg, pour avoir le temps, au retour, de passer chez Mama, voir ses peintures, saluer Jaco et faire la connaissance de Muguette. En groupant ses démarches, il disposerait demain d’une journée pleine pour avancer ses travaux.

Il sortit de la grange sa « bétaillère », une vieille 505 diesel commerciale aménagée pour le transport des animaux dont l’habitacle comportait une grille d’isolation entre les places avant et l’arrière. Polycarpe comptait bien la conserver au moins aussi longtemps que dureraient les travaux de restauration du logis. Sa situation exigeait prudence et rigueur en matière de budget.

L’avantage de la bétaillère était sa capacité à contenir tout matériel encombrant, en l’occurrence une faucheuse-débroussailleuse électrique et l’enrouleur de fil, plusieurs outils à longs manches, une cisaille perroquet. Profitant du déplacement, il s’approvisionna en décapant et en feuilles à poncer dans une grande surface de bricolage et fit des courses alimentaires dans un supermarché. Le temps de chercher et de choisir les articles, de poireauter aux caisses, de faire la route et de décharger, il était plus de dix-huit heures quand il arriva chez Mama.

 

La courette était accessible par quelques marches et entourée d’un muret ébréché. Un petit portillon muni d’une targette empêchait la marmaille de sortir. Jaco animait des petits pirates Playmobil à l’intérieur d’un galion, captivant un auditoire de deux  bambins, ne prêtant aucun attention au visiteur. Un ratier, genre Milou en gris sale, apparut sur le seuil et fit un grand détour, d’une démarche de jouet mécanique, pour aboutir sur les talons de Polycarpe.

-  Biros ! laisse le monsieur tranquille ! ordonna Jaco distraitement.

Une jeune fille métis à l’expression triste, alanguie dans une chaise-longue, prévint mollement sa mère d’une voix éteinte.

Jaco apostropha Polycarpe :

- Je vous remercie pour le hérisson, il est guéri maintenant, je l’ai relâché.

Il exécutait visiblement les consignes de politesse exigées par sa mère, avant de se replonger dans ses histoires de pirates. Curieusement, la guérison du hérisson ne semblait pas le réjouir en proportion de son inquiétude de la veille.

- Entrez et ne regardez pas le désordre, je vous prie !

Il pénétra dans une cuisine où sifflait un autocuiseur et se dirigea vers l’autre pièce, contiguë, d’où lui parvenait la voix de Marie  qu’il trouva devant un chevalet orienté face à la fenêtre ouverte, le pinceau à la main.

L’odeur d’huile de lin luttait contre celle du chou en provenance de la cuisine. La pièce était meublée d’une vieille table pleine de traces de peinture, d’étagères rudimentaires garnies d’un foutoir de toiles vierges, de papiers à dessin et de livres. Tous les murs étaient tapissés de grands tableaux figuratifs, peuplés de personnages rigides qui le fixaient de leurs regards vivants, certains ravagés par la désolation, d’autres emprunts de naïveté. L’artiste anticipa l’éventuelle remarque de Polycarpe :

- Ceux-là, je ne les vends pas.

À sa façon de baisser les paupières sur un regard désabusé, il vit qu’elle feignait le détachement.

- Pourtant, ça vous prend aux tripes, dit Polycarpe.

- Ce ne sont pas des tableaux-bibelots qu’on accroche pour mettre en valeur la moquette. Les gens préfèrent ça.

Polycarpe s’étonnait de la voir enduire une toile en noir à grands coups de brosse.

- Je prépare les fonds de mes natures mortes. Un noir adouci de terre de Sienne pour faire mieux ressortir les reflets, regardez...

Elle retourna plusieurs toiles achevées, posées contre un pied de table. Raisins ou pommes aux tons vifs et brillants débordaient de coupes de porcelaine posées sur des dentelles fignolées. Il y avait des variantes avec carafes ou bougeoirs...

Elle avait la tête enturbannée d’un tissu coloré, un sourire de gosse faisait saillir ses joues rondes en y creusant des fossettes.

- J’en fait plusieurs en même temps, tous les bougeoirs, tous les napperons, ça m’évite de nettoyer mes pinceaux. Ils se vendent bien...

Elle fronça soudain les sourcils, jeta un regard dehors, en direction des enfants, avant de refermer la fenêtre.

- Puisque vous êtes là, j’ai des choses à vous dire. Asseyez-vous.

Elle délesta un tabouret d’une pile de journaux.

- Jaco est allé rendre sa liberté au hérisson dans le jardin de Berouette et à son retour, il cachait quelque chose dans sa poche, avec l’air pas dans son assiette.

Elle tira le tiroir de la vieille table, en sortit une grosse montre à gousset, au cadran bombé, en or massif accrochée à sa chaîne.

- Voilà, c’est ça !

Polycarpe considéra l’objet, le retourna. C’était un objet de valeur. Le verso était strié d’entrelacs. Il la porta à son oreille, ouvrit le clapet ciselé qui occultait les mollettes et remonta le mécanisme. La montre se mit à marcher.

- Il me jure qu’il l’a trouvée dans un coin où on jette des branchages, les ronces et les mauvaises herbes, en essayant de voir où s’enfuyait son hérisson.

Il considéra les entrelacs de l’oignon qu’il soumit à la vue de Marie.

- Que déchiffrez-vous? Je n’ai pas mes lunettes mais je crois distinguer les lettres L et C dans les circonvolutions. LC... Ça ne vous dit rien ?

- Regardons dans l’annuaire...

Elle s’empara du catalogue des télécoms et le compulsa sur ses genoux.

- Pas de L.C. disposant d’une ligne téléphonique fixe sur la commune... Je ne vois qu’une seule personne dont le nom correspondrait à ces initiales : un vieux grincheux, mort l’an dernier : Léonard Cornu, celui qui occupait  le logis avant vous.

Interloqué, Polycarpe bondit sur ses pieds, fit le tour de l’atelier.

- Mais j’ai signé l’acte de cession, par l’intermédiaire du notaire, avec un certain Ulysse Côme, qui m’a été déclaré comme le propriétaire ! En son absence, les démarches se sont faites par courrier. Mais il n’a jamais été question de ce Cornu !

- C’était le grand-père d’Ulysse... Cornu l’a hébergé et Ulysse était aux petits soins. Un étudiant aux Beaux-arts. Il faisait une sorte de mémoire sur l’architecture de votre maison. Je crois qu’il s’est installé dans le midi. Ulysse venait d’hériter du grand-père quand il vous a vendu la maison, mais il a déménagé tout de suite après l’enterrement.

- Abandonnant quelques chaises bancales, un vieux bureau, une console rococo et de la vaisselle dépareillée... Autrement dit, si cette montre appartenait à ce Cornu, elle a été chapardée avant le déménagement d’Ulysse Côme, du vivant de Cornu.

- En tout cas, Cornu n’en a jamais parlé et Dieu sait pourtant si c’était un râleur !

- Il faut croire que la personne coupable de ce chapardage n’avait aucune envie d’être trouvée en possession de cet objet aux initiales du propriétaire. Elle s’en est débarrassé dans le premier roncier venu.

Elle porta ses mains à sa taille affectant un air outré et ses prunelles roulaient dans le blanc de ses yeux écarquillés.

- Dans quel monde vivons-nous, monsieur Houle !

Il imita le même ton faussement scandalisé.

- Je vous le demande, madame Bulu !

- Quand vous m’appelez madame Bulu, ça me fait trop bizarre !  Appelez-moi Mama !

- D’accord et en échange, appelez-moi Polycarpe.

Elle enfouit son visage dans ses deux mains pour masquer son hilarité. Et lui, croisant jambes et bras, feignit un air ennuyé :

- C’est lassant à la fin. Dire que ma défunte mère avait projeté dans ce prénom toutes ses ambitions sociales ! Et voilà, vous pouffez !

Mama posa sa main sur l’avant-bras de Polycarpe en signe d’excuses, sa mine montrant qu’elle appréciait l’humour pince-sans-rire de son visiteur.

- Vous m’avez l’air d’un homme bien gentil, dit-elle, en le regardant comme si elle voyait les tréfonds de son âme. Vous mériteriez d’avoir une bonne amie.

Polycarpe reçut le compliment avec un certain embarras dont Mama le sauva en remettant la montre sur le tapis.

- Qu’est-ce que j’en fais ?

- Normalement, elle appartient à Ulysse, dit Polycarpe. S’il revient dans le coin, nous lui rendrons...

- J’ai un autre souci avec ma fille aînée... Muguette m’inquiète. Vous l’avez vue ?

- Ainsi, la petite princesse évanouie que j’ai aperçue est donc Muguette !

- En ce moment, elle est dans une mauvaise passe, et je n’arrive pas à lui tirer un mot... Autant que je vous le dise maintenant, avant que la rumeur me précède : elle n’a jamais connu son père - je devrais dire : son géniteur. Je me demande si c’est ça qui la travaille... Oh, excusez-moi, je vais éteindre sous la cocotte...

à suivre...

17:20 Écrit par Claudine | Lien permanent | Commentaires (0) |  Facebook | |  Imprimer | |

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