25 avril 2006
Les aventures de Polycarpe - 19ème épisode
Me voici de retour, bien contente de retrouver l'herbe verte et les feuillages après ce séjour enneigé...
Allez ! Encore 4 chapitres du Vieux Logis et on passera à autre chose... J'utiliserai ensuite ce blog pour partager mes impressions de vie avec vous.
LE VIEUX LOGIS
CHAPITRE XIX
où on explore le mystérieux souterrain qui aboutit au Logis,
où on apprend qu'Anatole trompe la marchande de miel avec l'employée des postes
et que la pétulante fille de Polycarpe s'annonce pour les vacances...
Attention au stress!!!!
Gix avait fait secrètement don à Jaco des truites qu’il avait attrapées, avant de remballer son matériel et de retourner au logis avec Polycarpe. Ils s’étaient munis de chandails en prévision des douze degrés régnant sous terre et vérifiaient l’état de fonctionnement de plusieurs torches quand Pierre les rejoignit, un rouleau de corde sur l’épaule.
- Emportons des sucres et une bouteille d’eau, on ne sait jamais, dit-il. J’ai pris un cordage de nylon que nous déroulerons par précaution. Et pour commencer, accrochons-la au pied de la rampe.
Il effectua trois demi-clés avec une maestria de loup de mer.
- Tout cela est bigrement encourageant, marmonna Gix.
L’un après l’autre, à reculons derrière leur guide, ils s’enfoncèrent dans le sous-sol par la trappe sous l’escalier. Pierre commentait l’expédition pour ses coéquipiers :
- Ici, c’est très étroit. Quand vous aurez descendu environ la dizaine de marches, vous vous recroquevillerez pour passer sous un plafond bas puis vous vous trouverez dans une sorte de salle ronde, d’un mètre cinquante de large environ, où vous pourrez tenir debout. De là, je vous expliquerai la suite.
Il paraissait jubiler de retrouver des sensations enfouies depuis l’enfance. Une fois réunis dans cette sorte de sas arrondi en dôme, Pierre envoya un faisceau en direction d’une cavité où la lumière se perdit dans les profondeurs obscures.
- Allons-y doucement. Vérifions bien l’état des parois. Au moindre éboulis suspect : demi-tour !
Il déroula plusieurs mètres de corde avant de progresser dans le tunnel, suffisamment haut pour marcher mais pas assez pour se tenir droit. Il y faisait une fraîcheur sépulcrale et l’obscurité qui se reformait derrière eux devenait angoissante. La galerie montait maintenant par paliers qu’ils franchissaient en deux ou trois enjambées. Mais, rapidement, les paliers se rétrécirent jusqu'à devenir de larges marches taillées dans le roc. Depuis sa position en tête, la voix de Pierre de Touche se répercuta en un écho sinistre le long du boyau :
- C’est fabuleux comme cette roche résiste si bien au temps.
- Une merveille de la nature ! fit la voix sarcastique de Gix.
Leurs lampes projetaient des ronds jaunes qui tressautaient devant eux, éclairant parfois quelques objets abandonnés ou perdus lors d’incursions précédentes : un bout de bougie, un chiffon moisi, les vestiges humides d’une boîte d’allumettes. Il y avait même des cadavres de grosses mouches à vers. Polycarpe supputa l’existence de quelque charogne : un animal tombé dans le tunnel comme ce pauvre Bios ?
- Par rapport à la surface, où sommes-nous exactement ?
- Ici, nous nous trouvons sous le petit bois, dans son milieu à quelque chose près. Nous devrions arriver à une sorte de carrefour.
Il baladait son faisceau lumineux de gauche à droite.
- Approchez, regardez... Nous allons poursuivre par la galerie montante, dans le prolongement d’où l’on vient, pour émerger dans le bois. Sur notre gauche démarre une bifurcation qui redescend vers les troglodytes...
Tandis qu’il redonnait du mou à sa corde, il expliqua :
- Dans le temps, le souterrain qui rejoint la cour des troglodytes passait sous les fondations du château.
« On suppose un effondrement, rue de la Porte du Nord. Savez-vous que la roche des galeries a servi à la construction du village ? Le départ de ce tunnel subsiste encore au château, il s’enfonce pendant quelques mètres sous la cour d’honneur, mais n’aboutit à rien. En revanche…
Ils se tenaient tous les trois pliés sous la voûte dans l’incertaine lueur de leurs torches qui transformait leurs visages en masques grotesques, lorsque Pierre envoya un faisceau sur leur droite vers une excavation qui formait une bifurcation avec la galerie montante, s’enfonçant à l’horizontal dans les ténèbres.
- …en revanche, disais-je, ce tunnel n’a pas été bouché et donne dans la sacristie de l’église de Soutrain… mais il fait plusieurs kilomètres…
Polycarpe comprit que Gix s’impatientait, aux jets de vapeur qu’il soufflait par le nez. Il interrompit le comte :
- Je suggère d’avancer, nous serions plus à notre aise à ciel ouvert, pour deviser.
- Il n’y en a plus pour longtemps, maintenant, nous sommes à cinq minutes de la sortie. Je voulais aussi vous montrer cela.
Sa lampe fit apparaître un cœur naïf où s’entrelaçaient les initiales des amoureux d’antan surmonté de l’inscription maladroite : « Pour la vie ».
- Promesse de gascon, ricana Gix, les nerfs en pelote.
Ils gravissaient la côte, courbés sous la voûte et leurs respirations résonnaient ainsi que le bruit de leurs semelles sur les caillasses, lorsque soudain, la lueur verdâtre du jour leur apparut par une ouverture qui leur paraissait minuscule, en haut d’une sorte d’échelle taillée dans la roche.
- On ne sortira jamais par cette fente ! fit Gix.
- Il y a une astuce : c’est une pierre tournante. Ah, vous comprenez maintenant la nécessité d’être accompagnés !
- Plus jamais tu ne m’entraîneras dans ce genre de traquenard à la con, Poly, dit Gix.
Se hissant sur les encoches, leur guide appliqua son poing à un endroit précis, incurvé en forme de coquille, et la pierre bascula sur le côté, comme un vulgaire décor en carton-pâte, révélant une issue assez large pour s’extraire du gouffre.
- Ce rocher de schiste repose sur une arête effilée et comporte une masse égale de part et d’autre... La moindre poussée le fait basculer. Et il ne s’enfonce pas en terre ayant été disposé sur un bloc que les concepteurs du souterrain ont creusé d’une rigole. Astucieux, mais il faut connaître...
Ils s’extirpèrent du souterrain avec des soupirs de soulagement et se débarrassèrent de leurs pulls, surpris par la chaleur de l’air. Gix s’affala sur le sol les bras en croix :
- Ouf... Je viens de me découvrir claustrophobe !
- Voilà comment Biros est arrivé chez moi, l’autre jour : il est tombé par la fente en gratouillant sous la pierre... Je distingue des traces, ici...
Pierre attrapa une branche et fit levier : le rocher bascula de nouveau sans que son aspect moussu n’en soit détérioré.
- Et pour le faire basculer depuis l’extérieur, comment faites-vous ?
- Il suffit de passer le bras ou un bâton dans la fente et d’exercer une pression modérée. C’est bien conçu : même si quelqu’un s’assied dessus, le rocher ne bronche pas... Eh bien, messieurs, vous venez d’être initiés au « Passage des Huguenots » dont les de Touche se sont transmis le secret de père en fils.
Pierre prit un air mutin :
- J’ai monnayé impudemment ce noble secret quand j’étais gamin, mon père étant d’une rare pingrerie. J’imagine que, de bouches à oreilles, le souterrain est connu de toute la commune.
Courroucé, Polycarpe vint se dresser devant lui :
- Je vous reproche vigoureusement d’avoir omis de m’en parler quand nous nous sommes rencontrés... C’est un accès direct à ma maison. N’importe quel malfaiteur peut s’infiltrer chez moi ! Je ne vous cache pas que je suis profondément choqué par votre désinvolture !
- Tu vas me faire sauter ce passage à la dynamite, Poly !
- Acceptez d’humbles excuses, monsieur Houle. J’admets que l’idée ne m’a pas effleuré : j’étais convaincu qu’il était effondré.
- Hum ! Alors, si vous ignoriez l’état de notre souterrain, comment savez-vous que le boyau qui mène à la sacristie de Soutrain est en bon état ?
Polycarpe ne parvenait pas à se faire une opinion sur la bonne ou la mauvaise foi de Pierre de Touche.
- C’est tout bête : je tiens l’info de Démosthène, le petit curé. Il est fondu de spéléo. Il a fait le trajet de la sacristie aux troglodytes, contactez-le, il vous en parlera…
- Mais oui ! Je le savais, Ulysse m’avait parlé de ce petit curé ! fit Polycarpe. Au fait, pourquoi utilisez-vous tous ce diminutif affectueux de « petit curé » ?
- Ah ! Ne l’avez-vous jamais rencontré ? Quand vous le verrez, vous comprendrez ! s’exclama-t-il, avec un rictus entendu, tout en s’éloignant.
- Il est curieux, ce type ! constata Gix.
- Quelques unions consanguines auront peut-être abâtardi la race. Quoiqu’en comparaison de sa sœur Iseult, il s’en tire plutôt bien.
- Tout de même, il prend l’agression de sa sœur avec une insouciance surprenante.
- Elle lui en a fait voir des vertes et des pas mûres, il est certainement blindé.
Ils le rejoignirent et tous les trois descendirent à travers le petit bois.
Après que le comte les eût quittés en bas de la ruelle pour regagner sa demeure, Gix s’ébroua en soupirant qu’il se sentait patraque après ce voyage au centre de la terre. Il paraissait d’autant plus pâle et défait que les gens qu’ils croisaient, regagnant maintenant leurs véhicules pour rentrer chez eux, avaient la mine reposée, enluminée de coups de soleil.
- Attention, rangeons-nous !
La calèche attelée à Bourrache les dépassa en brinquebalant le long du sentier. Sous les soufflets de la capote, relevée pour l’occasion, se tenaient Jaco et son copain, pétrifiés de bonheur, à côté de Calamity dans sa robe maintenant fripée, les cheveux défaits, qui les héla avec son sympathique sourire :
- Vous n’êtes plus à cent pieds sous terre !
En parvenant sur le pré, elle lâcha les rênes et arrêta la calèche sous un grand arbre. Bourrache se remit à brouter aussitôt et les deux garçonnets sautèrent sur le pré. Jaco courut en direction de Polycarpe et de Gix qui retrouvaient les bénévoles recrus de fatigue, effondrés sur des chaises dispersées ça et là sur la prairie. Flora les avait rejoints.
- On a gagné le concours, monsieur Houle, dit-il.
- Je ne connaissais pas à mon rejeton ces talents de pêcheur ! dit Mama. Rendez-vous compte, à eux deux, avec son petit copain, ils ont pris plus d’une douzaine de truites !
Gix sifflota en regardant ailleurs, les pommettes contractées par un rire contenu.
- Qu’avez-vous ? Ne me dites pas ce que je crains d’entendre... J’espère que vous n’avez pas favorisé Jaco et qu’il ne s’agit pas d’un coup monté !
- Moi ? Je n’y suis pour rien. J’ai rejeté tous mes poissons dans l’eau.
- D’accord, d’accord, dit-elle, avec un languissant accent créole.
Imogène, accoudée à une table, le menton entre les mains, les apostropha :
- Hé ! les aventuriers, avez-vous découvert l’arche perdue ?
- Voulez-vous parler du graffiti d’amoureux, au milieu du souterrain ?
- Cette expédition a été épouvantable, dit Gix. J’étais venu pour pêcher, je vous signale !
Polycarpe, profitant du calme revenu après l’agitation de la journée, voulut prendre quelques nouvelles de Petit Lu et s’approcha d’Évariste. Celui-ci entassait dans une grande bassine divers objets qu’il avait apportés de chez lui, le matin : des éponges, des torchons, un décapsuleur et une agrafeuse.
- Je suppose que vous êtes satisfait pour votre fils. À propos, nous ne l’avons pas vu de la journée.
- Il est probablement chez sa copine.
Il afficha une moue fataliste en saisissant la bassine pour se diriger vers sa voiture qu’il avait ramenée et garée à proximité.
- Je crois qu’il est enfin rentré dans le rang, c’est pas trop tôt ! dit-il, en s’asseyant derrière son volant. Ah ! Au fait, ma femme vous transmet le bonjour !
Il fit un signe amical et démarra. Polycarpe, pris au dépourvu, lança un « Moi de même ! » en se retournant vers le petit groupe.
- Est-ce que madame Verpré est séquestrée ? Nous ne l’avons jamais vue !
- Vous n’y êtes pas, Poly, répondit Imogène. Madame Verpré, c’est l’anti-Lagardère, elle ne vient pas aux autres, ce sont les autres qui viennent à elle. Félicité est un parangon d’autorité.
Elle s’adressa aux autres :
- Je n’exagère pas, n’est-ce pas ?
- Félicité ? N’est-elle pas infirmière aux Treilles Blanches ?
- L’avez-vous déjà rencontrée ?
Polycarpe fit un signe affirmatif en roulant des yeux stupéfaits. Basile intervint :
- Vous comprenez pourquoi Évariste est tant dévoué à l’association : il a besoin de prendre l’air !
- Son Évariste, elle le fait tourner chèvre ! dit Mama.
Polycarpe s’étonna :
- Avec le fiston, elle est plutôt coulante !
- C’est son beau-fils. Évariste s’est remarié !
- Les mystères de l’amour ! risqua Polycarpe qui avait en mémoire les formes disgracieuses de l’infirmière et ses plaisanteries de corps de garde.
- De l’amour, ah, ah ! Laissez-moi rire, dit Flora. Comme d’hab, entre homme et femme, c’est des rapports de dominant à dominé. À vous dégoûter de vivre en couple hétéro !
- Ne fais pas de prosélytisme, Flora, reprocha Basile.
- Pas de commentaires, mon Baba, rétorqua-t-elle, avec une douce fermeté.
La camionnette des frères Givet fit irruption dans le chemin et fit une manœuvre en marche arrière pour se garer près du chapiteau. Aimé et Clovis chargèrent le gros matériel tandis que tous se mirent à remballer la vaisselle, ramasser les déchets, empiler les chaises, transporter cartons et caisses avec une vivacité et une efficacité époustouflantes.
Et ce fut l’instant choisi par Constance Sirre pour faire son apparition.
- Désolée, dit-elle, j’ai été malade comme un chien toute la nuit dernière et je m’en remets tout juste... Ç’a été ?
Il y eut un court flottement ; ils échangèrent des regards éteints avant de formuler d’évasives réponses. Flora attira Polycarpe et Basile à l’écart et leur chuchota quelques mots.
Exténué, Gix se laissa tomber sur une chaise en attendant la fin du conciliabule.
- Je vais y aller, Poly, lança-t-il.
- Je rentre aussi.
Ils adressèrent de la main un bonsoir collectif et remontèrent le chemin.
- Je serais curieux de connaître le nouveau scoop que vous a confié cette originale sexagénaire.
- Te rappelles-tu l’incident de l’appel anonyme, le jour du repas créole chez Mama ? Eh bien, le « corbeau » a peut-être dit vrai : la voiture de Constance est restée garée dans la cour d’Anatole toute la journée. Elle n’était pas malade comme un chien, comme elle le prétend.
- Après les agressions et les souterrains, on s’ennuyait un peu depuis quelques heures, fit Gix, atterré. Est-ce que tu envisages sérieusement de te fixer à Rochebourg ?
Polycarpe eut un petit mouvement satisfait des épaules.
- Parfaitement. L’ambiance est stimulante !
Dès qu’il ouvrit les yeux, le lendemain matin, il repensa à l’exploration de la veille. La nuit portant conseil, il lui paraissait subitement évident de ne pas condamner définitivement l’accès au souterrain en déversant une toupie de béton par la trappe. Ne serait-ce pas faire preuve d’une certaine barbarie, malgré tout, que de faire disparaître la petite salle ronde sous l’échelle de pierre ? Ne serait-ce pas commettre un acte de vandalisme de massacrer ce patrimoine archéologique, même si la prudence exigeait de se garantir d’une éventuelle intrusion ? Il ferait poser une trappe pourvue d’un système de verrou tournant, inviolable côté souterrain.
Il se sentait complètement anéanti : l’agression d’Iseult, la foule du concours de pêche, l’exploration des galeries, lui avaient pompé beaucoup d’énergie. En pyjama, traînant ses mules, il transporta dehors son fauteuil-paon dans lequel il lézarda sous la caresse d’un soleil encore timide. En fermant les yeux, il eut la douce impression de se fondre dans la lumière dorée qui transperçait ses paupières et, détendu, se rendormit un moment.
Les accélérations et décélérations caractéristiques de la voiture du facteur qui manœuvrait dans la ruelle pour porter son courrier le ramenèrent à la réalité. Dans de bien meilleures dispositions après ce petit somme en plein air, il inséra dans sa chaîne des chants corses a cappella qui agrandirent aussitôt les proportions de la maison, lui donnant l’impression d’entrevoir sa cheminée à l’horizon d’un gigantesque moutonnement de montagnes. Il monta au premier, se doucha énergiquement, enfila des vêtements légers, avant d’aller chercher le courrier sous le porche de la grange.
Parmi diverses paperasses publicitaires, une enveloppe décorée à l’anglaise, de foisonnantes roses enchevêtrées, lui sauta aux yeux.
Une lettre de Lily, enfin !
Sa fille écrivait peu au prétexte qu’elle préférait téléphoner bien elle n’appelât pas souvent. Mais ses courtes lettres lui apportaient un plaisir particulier : il pouvait relire plusieurs fois les mots dont l’écriture lui ressemblait tant. En bref, le panachage du courrier et du téléphone était indispensable à leur relations.
Mon cher Papycarpou !
Tel était le sobriquet dont l’avaient affublé ses petits enfants, Jacobine et Zorba, aujourd’hui âgés de 7 et 5 ans.
Nous venons en France au début du mois prochain pour faire la tournée de nos amis français et nous mourrons d’envie de connaître ton logis. Nous pensons rester quelques jours chez toi, avant d’entreprendre notre périple. Qu’en penses-tu ? Nous sommes tous les quatre en bonne forme, contents d’être en vacances. Witson t’embrasse ainsi que les petits. A bientôt !
Polycarpe eut un sursaut de joie, cala la lettre sous le sucrier et fila immédiatement chez Basile pour réserver une de ses nouvelles chambres.
La rue était envahie d’une ribambelle d’engins de travaux publics orange et de véhicules zébrés de bleu à l’enseigne de la Générale des eaux. Des tracés indiquaient déjà l’emplacement de futures tranchées. De nombreux ouvriers déambulaient autour de leurs chefs qui donnaient les instructions. Les travaux d’assainissement étaient imminents.
Le débit de boissons rochebourgeois, fenêtres et portes grandes ouvertes, était dans le même état que la veille, le carrelage n’avait pas été lavé et Basile lisait tranquillement le journal en buvant un café, le cheveu ébouriffé.
- Oh, oh ! La grande forme, à ce que je vois ! dit-il, en voyant entrer Polycarpe. Après une journée comme celle d’hier, je suis en grève et si vous voulez un expresso, Poly, allez vous le faire vous-même...
- Voulez-vous que je vous donne un coup de main ? Je peux très bien laver par terre, si vous voulez !
Il passa derrière le bar, remplit la cassolette du percolateur avec le café contenu dans un petit tiroir en inox et mit la machine en route, sous l’œil intrigué de Basile.
- Que cache cette soudaine serviabilité ?
- J’ai reçu de bonnes nouvelles, ce matin. Ma fille et sa famille vont inaugurer votre auberge, Basile. Ils s’annoncent début Août pour plusieurs jour. Mais je ne peux pas les loger, mes chambres sont sordides... Aussi, je pensais...
- Que je devrais me hâter d’aménager les chambres, c’est cela ? Eh bien...
Basile laissa durer le suspens.
- L’une d’elles est finie, figurez-vous ! Flora m’a confectionné des doubles rideaux et un dessus de lit en deux temps trois mouvements. J’ai acheté un grand lit, une armoire en pin, des lampes de chevet en laiton et un tapis, qu’on m’a livrés la semaine dernière. Vous voulez la voir ? Venez...
- Ils ont deux enfants, annonça Polycarpe, en montant l’escalier derrière Basile.
- La pièce est suffisamment spacieuse pour loger deux petits lits. Voici la salle de bain.
Il ouvrit une porte dans le couloir sur une petite pièce au confort spartiate, carrelée de blanc.
- Je vais faire passer un plombier et installer un ballon d’eau chaude. Promis, ce sera prêt pour vos enfants, et voici la chambre : il n’y a plus qu’à cirer le parquet.
La chambre était accueillante avec ses couleurs fraîches : ses boiseries parme, ses murs lavande et ses tissus à petites fleurs bleues. Basile ouvrit la fenêtre qui donnait sur la rue et les champs à perte de vue.
- Je vais aérer tous les jours, pour éliminer cette odeur de peinture... Tenez, d’ici, on aperçoit le moulin de Flora, le petit pont qui passe la Gourmette traverse sa cour. Vous devriez y aller, elle vous montrera sa propriété... et là-bas, en haut de la prairie, c’est le ranch...
Polycarpe reconnaissait la disposition en U des bâtiments.
- Sur la droite, derrière le bouquet d’arbres, au milieu des champs, le petit bout de toiture rouge, c’est la maison des Verpré. Et là-bas, c’est la ferme d’Anatole. C’est de là que Flora a repéré la voiture de Constance dans la cour.
Il eut un grand rire de farceur, en calant les battants de la fenêtre avec le cran de l’espagnolette.
- Je me fais peut-être des idées, Polycarpe, mais j’ai remarqué qu’Imogène vous drague.
- Elle fait pourtant beaucoup d’efforts pour reconquérir son barbu !
- Mouais. Je n’y crois pas.
Soudain, une voix masculine monta du rez-de-chaussée :
- Hou, hou ! Il y a quelqu’un ? Basile, vous êtes là ?
L’intonation leur sembla dramatique et ils dévalèrent les marches. En faisant irruption dans la salle du café, ils découvrirent Pierre de Touche, au milieu de la pièce, qui se soutenait au dossier d’une chaise et se frottait machinalement le visage, l’air ravagé.
- Ulysse Côme est en garde à vue... Iseult l’accuse d’avoir voulu la tuer ! Donnez-moi quelque chose à boire, Basile. Elle affirme aussi qu’il a assassiné Léon Cornu.
Basile s’empressa de lui servir un whisky bien tassé.
à suivre...
19:20 Écrit par Claudine | Lien permanent | Commentaires (2) | Facebook | | Imprimer | |
Commentaires
Content de ce retour. j'espère que tu t'es bien aérée. Peut-être as-tu trouvé de nouvelles intrigues pour d'autres personnages, entre deux ballades... peut-être n'en as-tu pas eu le temps.
Je lis tout de suite le n°19.
Écrit par : Rony | 25 avril 2006
Ahhhh !...........
Écrit par : Jean Louis | 26 avril 2006
Les commentaires sont fermés.