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29 décembre 2014

Les Petits Secrets de Polycarpe (6)

Maupassant, théorie de la littérature, polycarpe

Le roman ne se définit pas seulement par la narration d’une histoire survenant à des personnages, en 350.000 signes sur une période et dans un lieu géographie donnés, y compris des retours en arrière ou des anticipations. Ça, c’est la performance au premier degré, ce que j’appellerais l’axe horizontal du récit ou l‘abscisse. Car, cette narration est arrimée à une autre dimension,  l’axe vertical ou l’ordonnée, qui n’est pas exprimée, pas toujours perçue, mais qui lui demeure pourtant indissociable : il s’agit de l’implicite, du non-dit, des sous-entendus, du « sous-texte ».

L’axe vertical a la même fonction que la quille d’un bateau, maintenant sa trajectoire, l’empêchant de dériver sous la force des vents et le propulsant par sa résistance à l’océan. Chaque étape du roman, chaque phrase, dialogue, métaphore, description, ainsi que chaque personnage et le type humain qu’il représente, renvoient à une signification objective non exprimée qui relie l’écrivain à ses lecteurs, leurs inconscients étant reliés (voir la théorie de « l’inconscient collectif » de Jung).

C’est cet axe vertical  qui confère au récit sa profondeur, sa portée universelle sans en être appesanti car le récit se déroule en surface, linéairement,  sur un ton assez léger, quand bien même se produisent des catastrophes puisqu’elles finissent toujours par être surmontées, oubliées par ceux qui n’en sont pas directement affectés.

     Cette théorie de l’architecture en croix que je me suis forgée en écrivant, j’ai le plaisir de la retrouver chez Guy de Maupassant qui l’exprimait, à sa façon, dans la préface de « Pierre et Jean », intitulée « le Roman » :

[…] la psychologie doit être cachée dans le livre comme elle est cachée en réalité sous les faits dans l'existence.

       Le roman conçu de cette manière y gagne de l'intérêt, du mouvement dans le récit, de la couleur, de la vie remuante.

     Donc, au lieu d'expliquer longuement l'état d'esprit d'un personnage, les écrivains objectifs cherchent l'action ou le geste que cet état d'âme doit faire accomplir fatalement à cet homme dans une situation déterminée. Et ils le font se conduire de telle manière, d'un bout à l'autre du volume, que tous ses actes, tous ses mouvements, soient le reflet de sa nature intime, de toutes ses pensées, de toutes ses volontés ou de toutes ses hésitations. Ils cachent donc la psychologie au lieu de l'étaler, ils en font la carcasse de l'œuvre, comme l'ossature invisible est la carcasse du corps humain. Le peintre qui fait notre portrait ne montre pas notre squelette.

 Il me semble aussi que le roman exécuté de cette façon y gagne en sincérité. Il est d'abord plus vraisemblable, car les gens que nous voyons agir autour de nous ne nous racontent point les mobiles auxquels ils obéissent.

Il faut ensuite tenir compte de ce que, si, à force d'observer les hommes, nous pouvons déterminer leur nature assez exactement pour prévoir leur manière d'être dans presque toutes les circonstances, si nous pouvons dire avec précision: "Tel homme de tel tempérament, dans tel cas, fera ceci", il ne s'ensuit point que nous puissions déterminer, une à une, toutes les secrètes évolutions de sa pensée qui n'est pas la nôtre, toutes les mystérieuses sollicitations de ses instincts qui ne sont pas pareils aux nôtres, toutes les incitations confuses de sa nature dont les organes, les nerfs, le sang, la chair, sont différents des nôtres.

     Efforçons nous d'être des stylistes excellents plutôt que des collectionneurs de termes rares.

     Il est, en effet, plus difficile de manier la phrase à son gré, de lui faire tout dire, même ce qu'elle n'exprime pas, de l'emplir de sous-entendus, d'intentions secrètes et non formulées,que d'inventer des expressions nouvelles ou de rechercher, au fond de vieux livres inconnus, toutes celles dont nous avons perdu l'usage et la signification, et qui sont pour nous comme des verbes morts […]

La Guillette, Etretat, septembre 1887.

     Maupassant insiste sur l’importance de ne pas étaler les mécanismes psychologiques qui sous-tendent les faits et gestes des personnages mais de les suggérer au travers de leurs comportements, or j’avais la même détermination en abordant mes « Polycarpe » : faire découvrir la psychologie de mes personnages indirectement grâce à leurs paroles, leurs gestuelles, leurs expressions, sans entrer dans les arcanes de leur pensées. Je voulais que les lecteurs fassent connaissance avec les personnages comme dans la vie, par déduction des apparences. Je m’étais lancé ce défi, persuadée qu’il y aurait une sorte de petit suspens à deviner à qui on avait vraiment à faire… et j’estimai que c’était une attitude « sport » de la part de l’auteur de ne pas étaler sa connaissance préalable des personnages, de laisser les invités (mes lecteurs) faire connaissance de mes nouvelles relations…

J’avoue que c’est un défi difficile à tenir sur la longueur d’une série, car il y a bien des moments dans le récit où l’auteur doit donner du grain à moudre au lecteur. N’empêche, le récit se structure et se solidifie sur les fondations psy des personnages.

     Bien des romans contemporains n’ont pas de quille et dérivent quelques temps sur les flots factices et étincelants de la célébrité pour disparaître à l’horizon… vaisseau fantôme avec personne à bord pour l’éternité. Mais ça ne m’intéresse pas de les citer : ils ont suffisamment bouché l’horizon comme ça.

Dans ma prochaine note, je donnerai quelques pistes pour détecter l’implicite et le non-dit qui constituent ma véritable raison d’écrire et sous-tendent l’écriture des « Polycarpe ». Rien de spectaculaire, rien de philosophique, pas de crises d’ego,  pas de révélations, mais des choses de la vie, émotionnelles, affectives, que nous avons forcément en commun, les lecteurs et moi-même, sur lesquelles se bâtissent mes romans...

16 décembre 2014

Dernières dédicaces 2014...

Merci à mes lecteurs et lectrices, "polycarpiens-addicts" !

Ci-dessous, le texte de la conférence donnée à Saint-Avertin et à Loches sur les noms des personnages dans mes romans.

"Je ne peux pas commencer à écrire un livre si je n'ai pas le nom de mes personnages. Avec Polycarpe comme héros de ses romans policiers, en écho aux Hercule Poirot et autre Jules Maigret de la tradition littéraire à laquelle elle se rattache, Claudine Chollet a une vraie réflexion derrière le « baptême » des protagonistes de ses œuvres. « Rien n'est dû au hasard », confiait-elle hier au cours du 6e salon du livre Signature Touraine qui, ce dimanche encore, au moulin des Cordeliers, mêlera dédicaces et conférences."

Pierre Calmeilles, Nouvelle République du 14 décembre 2014

Noël, salon, dédicace, livres, cadeaux, marché, Loches, écrivains

dédicace, cadeaux de Noël, librairie, Vouvray, maison d'Annie,

                                                      Les noms des personnages

Comme l’écrivait Flaubert à son ami Taine, « Un nom propre est une chose extrêmement importante dans un roman, une chose capitale. On ne peut pas plus changer un personnage de nom que de peau ».
De fait, je ressens exactement cela : quand le nom est mal choisi, je n’arrive pas à me familiariser avec le personnage et j’ai du mal à le visualiser, à l’imaginer, à le faire bouger, penser, discuter. Je suis en panne et je dois chercher un nom plus approprié.
Un lexicologue célèbre, Jean Pommier, a consacré tout un livre à l’onomastique chez Balzac (L’onomastique est la branche de la lexicologie qui étudie l'origine des noms propres, de personnes ou de lieux) où l’on voit que les noms ne sont jamais dus au hasard.
Je vais survoler l’onomastique de ma série des « Polycarpe ».
Dans mon choix des noms et prénoms de personnages, quatre principaux critères entrent en ligne de compte alternativement :

 

  • soit une connivence avec ma propre histoire, avec mon vécu d’auteur,
  • soit des sonorités ‒ allitérations ou consonances ‒ qui s’impriment facilement dans la mémoire pour donner du relief à un personnage secondaire.
  • soit encore un deuxième degré de signification en guise de clin d’œil au lecteur.
  • ou, enfin, j’utilise le prénom à contre-emploi pour produire dérision, ironie ou parfois pour valoriser un personnage déclassé…

En ce qui concerne le premier critère (connivence avec mon vécu d’auteur) :
Le personnage principal, Polycarpe Houle, en est l’illustration. C’est la clé de voûte de la série. D’où l’importance de son nom.

Quand j’ai commencé cette série, avec la détermination d’écrire plusieurs opus avec des personnages récurrents, j’avais une idée précise du genre de littérature que je voulais écrire : une intrigue criminelle sans cruauté, des petits meurtres entre amis, des assassinats au village… Des enquêtes d’amateurs prétextes à faire évoluer les gens, à révéler les caractères humains, sans complaisance pour la violence, et en privilégiant l’atmosphère et le style, et – ceci n’est pas la moindre des choses - en cultivant mon originalité.
Ainsi que l’affirmait le prolixe Gaston Leroux : « j’ai toujours apporté le même soin à faire un roman d’aventures, un roman-feuilleton, que d’autres à faire un poème. J’ai eu comme ambition de relever le niveau de ce genre si décrié ».
Je me situais donc dans cette lignée des auteurs de romans policiers du début du XXème qui avaient une conception ambitieuse et littéraire du roman populaire.
Le prénom de mon personnage principal devait être un hommage mes illustres confrères qui avaient affublé leurs héros de petits noms tels que Prosper, Arsène, Jules ou Hercule… Polycarpe, prénom d’une personne que je connaissais, me sembla convenir par son originalité. En plus l’étymologie apportait une épaisseur sémantique (Poly venant du grec polus  signifiant : nombreux, plusieurs, et Carpe provenant du grec karpos, signifiant : le fruit : le tout évoquant fécondité et créativité)
Le patronyme de Houle est un clin d’œil à mon premier livre publié, un roman policier de la série du Poulpe, publié par les éditions de La Baleine (manière de rester dans le champ lexical de la mer, qui m’avait porté chance !)
Et pour fignoler un peu, je voulais caser toutes les voyelles dans les prénom et nom de mon personnage.

Sur le 2ème critère (sonorités, allitérations et consonances), j’ai pris modèle sur Walt Disney qui a su jongler avec les consonnes ou les  voyelles, ainsi qu’avec le rythme de syllabes, pour nommer ses petits héros, tels que Donald Duke, Daisy Duke, Mickey Mouse, Minnie Mouse, etc.
J’ai appliqué ce principe avec mes personnages secondaires, pour leur donner du relief. Ainsi le coiffeur gay dont les lotions sont sabotées, et dont les clients ressemblent des poussins électrocutés, s’appelle Dany Daine, la correspondante du journal local est connue sous le nom d’Ida Darling, le cafetier instituteur de Rochebourg s’appelle Basile Bot, l’aide à domicile tunisienne est Salima Saoub et l’imposteur chanteur de blues a pris le nom de Billy Boy.
Pour illustrer le 3ème critère (qui joue sur les noms-indices, en rapport avec le récit), je peux citer Violette Parker du « Nègre en chemise ». Dans ce roman qui dénonce les « nègres » littéraire, Violette, ancienne enseignante, est la plume géniale et effacée de sa nièce parisienne qui signe les romans et reçoit tous les honneurs. Son prénom évoque l’encre des écoles d’antan et son nom une marque de stylo plume, son outil de travail. (Entre parenthèse, le côté prédateur d’Elvire est symbolisé par des vêtements à rayures jaunes et noires, à l’instar des frelons ou des guêpes, alors que justement, Violette mourra d’une piqure de guêpe …)
Je peux également citer Bérangère Santerre qui verra son domaine détruit dans un incendie le soir de Noël et se retrouvera sans biens, sans terre.
Elvire Augry, qui virera effectivement au gris après la résolution de l’énigme.
Dans « Le Crime de River House » : la victime Albertine a pour nom de famille Giraumont qui désigne une sorte de courge, le père ayant fait fortune dans les fruits et légumes. Elle épouse un Floche, contraction de « Filoche » puisqu’il la quitte et s’enfuit.
Mado Burlat, désirable maitresse de Floche, porte le nom d’un fruit appétissant. Franz Geheim est un allemand déserteur : Geheim, en allemand, signifie « chez soi ». Après sa désertion, il est chez lui en France.
La locataire du manoir, Arlette Pic, mère de la brave Nelly Pic et grand-mère de la monstrueuse Magali Pic, porte un nom qui la symbolise puisqu’elle agresse tout le monde.
Toujours dans ce même roman, nous avons un Simon Clampin, notaire, son patronyme évoque quelqu’un de lent, paresseux et nul en affaires, et rabat un peu son caquet. Jim Forban est d’emblée un suspect, comme l’indique son nom par ironie. Enfin, Robert Marzac, l’Universitaire distingué, porte un nom dérivé de Robert Darzac, le fiancé de Mathilde dans Le mystère de la chambre jaune.
Le 4ème critère rassemble les noms à contre-emploi, à sous-entendus ou à connotations littéraires. Ce sont des indications subliminales qui conditionnent (gentiment) le lecteur. Les patronymes à contre-emploi créent un décalage, une sorte d’oxymore d’où naît l’ironie. Ainsi Scarlett (qui évoque une merveilleuse jeune fille en crinoline) a épousé un dénommé Pochard, agriculteur. 
Calamity, qui porte des chemises à carreaux et fait du cheval, s’avère être une amicale et pacifique jeune femme. Maryline, caissière de supermarché, à un prénom de star ; la sympathique Flora Bouton est totalement passée fleur. Félicité est une infirmière terrifiante. Chimène est une vieille pocharde. Cosette c’est une femme rouée, qui a épousé un certain Barge, etc.
Dans le dernier Polycarpe, « Cœur de bœuf », l’écolo-agitateur, s’appelle Gaël Manant de la Haute, pour le plaisir de télescoper les contraires, et pour tourner un peu en ridicule le personnage hâbleur.
Bob Gorax a conservé le nom initial que je voulais donner au véritable assassin, mais c’était trop gros comme ficelle et je fais dire au personnage qu’il porte malgré lui le nom d’un « méchant de série B ».
Les Ducoin sont des bourgeois qui snobent les gens du village.
Les sous-entendus ou les connotations littéraires créent une sorte de feuilletage qui donne de l’épaisseur : par exemple, le commissaire s’appelle Félix Barcq. Barcq est homonyme de « bark » en anglais qui signifie « aboyer », c’est un clin d’œil au commissaire Japp d’Agatha Christie. L’un jappe en anglais, l’autre bark en français… il aboie et il porte le prénom Félix d’un chat de BD.
Le nom des Busier est déterminé par un pigeon voyageur égaré, la buse étant un prédateur de pigeons.
Le gendre anglais de Polycarpe s’appelle Witson, mot à mot : fils de l’esprit, il est très intelligent, il a de l’humour.

 

Nous avons fait ensemble un tour parmi la petite foule de mes personnages. Cette liste est loin d’être exhaustive, puisque tous les personnages de mes livres sont pourvus d’un nom significatif, à des degrés divers, valorisant ou dévalorisant, selon mon degré de sympathie pour lui.
Vous me demanderez peut-être quelle mouche me pique de me compliquer ainsi la vie avec des noms de personnages qui pourraient s’appeler comme tout le monde ?

À cela, j’ai deux réponses :

 

La première est qu’il y a dans mes romans autant de Pierre, Paul, Jacques ou François, que dans les carnets roses de papa, autant de Théo, Léa, Matis où  Noé que dans la société d’aujourd’hui. Simplement, c’est amusant de trouver le petit « plus » qui fera peut-être esquisser un sourire à mes lectrices ou à mes lecteurs.
J’ajoute que la lecture des rubriques nécrologiques offre parfois des surprises, telle cetteGuillemette du GOUPIL de BOUILLÉ, décédée le 3 novembre, que je ne connais pas mais qui prouve encore une fois que la réalité peut dépasser la fiction !

 

Je dirais en deuxième réponse que le risque que je prends en maniant cet humour peu conventionnel des noms propres, exprime bien ma liberté de créer, d’inventer, de tisser un lien privilégié avec mes lectrices et mes lecteurs.
J’ai aujourd’hui des preuves que ça fonctionne, que les gens apprécient, qu’ils comprennent l’intention joyeuse que je mets derrière ces jeux de mots et c’est particulièrement valorisant.
Je terminerai sur un dernier exemple en guise d’hommage : le jeune reporter du dernier « Polycarpe » : Cœur de Bœufs’appelle Laurel Boitel, qui est l’anagramme parfait de Rouletabille, le jeune reporter du Mystère de la chambre jaune.

 

Claudine Chollet

 

11 décembre 2014

Les Petits Secrets de Polycarpe (5)

écrivain, roman, humour, Reyboz

C’est en relisant « Passé imparfait » de Julian Fellows que j’ai compris ce qui fait la différence entre un bon roman [c’est-à-dire ce livre appétissant qu’on achète par gourmandise primé par les libraires, les jurys de magazines, ou encore les lycéens, voire les académies] et… un bon roman… littéraire ‒ tel que ce « Passé imparfait » de Julian Fellows ‒ du genre qui grave la comédie humaine sur les parois de la grotte, témoignage d’une humanité et non d’une classe sociale, d’un archétype humain et non d’un type lambda...  Étant entendu que le type lambda, qu’il s’agisse d’un bourgeois bohème ou d’un dealer dans le Bronx, dans certaines conditions, peut tout à fait se retrouver dans un roman littéraire… c’est compliqué.

C’est compliqué parce que le texte littéraire ne sera pas, de toute façon, proposé à la dégustation sur les gondoles, subira auparavant de nombreux refus butés d’éditeurs, comme pourraient en témoigner Proust, Gracq, Céline, ainsi que le père d’Anne Franck avec le Journal de sa fille, Margaret Mitchell (Autant en emporte le vent), Richard Bach (Jonathan Livingston le Goéland)  et J. K. Rowling (Harry Potter à l’école des sorciers)… ainsi que bien d’autres.

[Ceci dit sans acrimonie, ne vous méprenez pas. Je ne plaide pas ma cause… J’essaye seulement de décrypter le réel.]

 « On ne sait s'il y a une crise de la littérature mais il crève les yeux qu'il existe une crise du jugement littéraire », écrivait déjà Julien Gracq, en 1949, dans « La littérature à l'estomac », José Corti[1].

C’est compliqué parce que l’originalité (c’est-à-dire la différence) d’un texte littéraire est perçue d’abord comme perturbante et ennuyeuse par les comités de lecture éditoriaux, pour lesquels un roman doit avoir la fonction d’un trou de serrure par lequel ils épient les gens de leur petit monde, si possible en train de s’encanailler.

C’est compliqué, enfin, parce que les éditeurs, manipulateurs de culture, brouillent habilement les cartes en publiant vertueusement des récits d’opprimés, des témoignages poignants du Monde entier, en comparaison desquels l’éventuel chef-d’œuvre d’un concitoyen passera pour une élucubration de petit-bourge trop bien nourri. Et ces mêmes éditeurs-manipulateurs de culture poussent le bouchon jusqu’à « découvrir » des petits bijoux littéraires oubliés dans leurs archives 10, 20, 30 ans après le décès des auteurs : il n’y a pas de semaine sans une semblable découverte dans la presse littéraire.

Quoi qu’il en soit, toutes les fictions qu’elles soient ou non littéraires nous distraient et nous instruisent, en nous livrant une tranche de vie, une expérience humaine, une situation inédite ; les deux nous emportent ailleurs que dans notre petite vie : autre lieu, autre époque, autres mœurs…

Mais, selon moi, le roman littéraire est au bon roman ce que la haute-couture est au prêt-à-porter : la différence réside dans la maîtrise d’une coupe, d’un biais, d’une pince, la qualité d’une étoffe, l’ajout d’une broderie, d’une dentelle. Ce qui équivaut en littérature à la maîtrise du plan et des retours en arrière, du découpage chronologique, de l’épaisseur psychologique, l’insertion dans un contexte social, le choix d’un angle de vue, l’ajout de personnages secondaires bien campés… La différence réside enfin, et surtout, dans l’empreinte durable que le roman littéraire laisse dans notre cerveau, la marque indélébile qui fera ensuite référence dans les circonstances de notre existence.

Ces grincheux complices des éditeurs qu’on appelle les libraires modifient sans arrêt les gondoles pour présenter les meilleures ventes passées ou supputées ‒ le critère universel étant que le roman surprenne dans sa conventionalité…

Je fais ici mon Lucchini et je répète en articulant : surprenne dans sa conventionalité

Cet oxymore reflète exactement le marché du livre.

Si j’écris un jour une méthode à l’intention des pisse-copies débutants qui veulent réussir vite, je leur recommanderai de relater des relations humaines ultra conventionnelles, à coup de clichés, mais sous un angle rafraîchi, inséré dans l’époque, comme, par exemple, « La femme au carnet rouge » d’Antoine Laurin, Flammarion, 2014, le type de roman qui ne laisse aucune empreinte dans le cerveau…

C’est un exemple de « bon roman » bankable, mais non littéraire : une bluette plutôt touchante dont les personnages, bobos parisiens, sont assez falots ; le style est coulant, facile à lire, sans originalité, ni humour. Les clichés sont nombreux : Paris (valeur sûre), ses bistrots, l’inévitable ami gay, la fille qui aime son papa, les chats, aucune épaisseur sociale maladroitement compensée par l’allusion à un reporter de guerre, par un dégât des eaux…

On entend souvent parler de cliché, définissons-le : un cliché est une image ou une situation rebattue, apanage d’un groupe, d’une communauté, d’une classe sociale ; le cliché titille la fibre snobinarde, il rassure, déstresse, il renvoie au lecteur une image plutôt valorisante de la personne qu’il pourrait être, il flatte son narcissisme, c’est un artifice Pavlovien. Le cliché est l’outil d’un auteur de talent, évidemment pas celui d’un écrivain de génie qui trouve l’inspiration hors des sentiers battus.

Je m’aperçois que l’heure tourne… et je n’ai pas encore abordé l’idée qui me tient à cœur et que j’essaye d’exploiter dans mes « Polycarpe » : l’importance de l’architecture en croix du roman.

Considérez ce qui précède comme l’introduction du prochain billet… et admirez au passage l’art du suspens… hi ! hi !



[1] Anecdote symbolique : l'histoire dramatique du jeune John Kennedy Toole. Après avoir été rejeté par la quasi-totalité des éditeurs américains, le jeune homme, gravement dépressif, se suicida en 1969 à l'âge de trente-deux ans. L'éditeur Simon & Schuster avait osé qualifier son livre d'« indigent ». Comme le souligne la quatrième de couverture : « Le plus drôle dans cette histoire, pour peu qu'on goûte l'humour noir, c'est qu'aussitôt publié, le roman a connu un immense succès aux États-Unis et s'est vu couronné en 1981 par le prestigieux prix Pulitzer. » Le livre, traduit en dix-huit langues, a été vendu à plus d'un million et demi d'exemplaires. Il est aujourd'hui considéré comme un classique de la littérature américaine. On pourrait considérer la tragédie de John Kennedy Toole comme une leçon à méditer pour les auteurs malheureux. Ceux-ci ne doivent jamais désespérer.  

14:28 Écrit par Claudine dans littérature, Livre, publications, sens des mots | Lien permanent | Commentaires (0) |  Facebook | |  Imprimer | |

09 décembre 2014

Salon du livre de "Signature-Touraine" le week-end prochain à Loches

Noël, salon, dédicace, livres, cadeaux, marché, Loches, écrivains

Le salon "historique" de notre association d'auteurs et de petits éditeurs de Touraine !

Deux jours de rencontres, conférences, dédicaces, au Moulin de Cordeliers, à Loches : tous les genres de livres sont représentés, commentés par leurs auteurs.

Cette année, je propose un nouveau Polycarpe, le sixième : "Coeur de Boeuf", sorti fin mai dernier.

Le samedi et le dimanche à 15 h 45, je donnerai une petite conférence sur "les personnages de romans", inspirés des petits secrets de Polycarpe développés sur ce blog : c'est l'occasion de venir en discuter avec moi, si le sujet vous intéresse.

QR code Polycarpe

02 décembre 2014

Dédicace à la Maison d'Annie, à Vouvray, dimanche 7

dédicace, cadeaux de Noël, librairie, Vouvray, maison d'Annie,

J'invite toutes mes amies à venir papoter avec moi, dimanche après-midi, entre 15 h et 17 h, chez Annie.

Outre mes  "Polycarpe" que je me ferai un plaisir de dédicacer,  la maison d'Annie regorge de possibles cadeaux de noël très sympas.

Je serai en compagnie d'un charmant confrère, Xavier Mathias, maraîcher bio, producteur de plants et de légumes à Chédigny (Indre et Loire). En plus de son activité de maraîchage, Xavier Mathias est Directeur technique et rédacteur pour la revue Les cahiers du potager bio, rédacteur pour les revues Rustica Hebdo, Tout en un Rustica  et Pour nos jardins.

Il est aussi consultant pour la gestion des potagers du domaine de Chaumont-sur-Loire et du château de Valmer. 

Il assure la formation continue au Potager du Roi à Versailles.

Alors... à Dimanche

 

 

 

10:43 Écrit par Claudine dans littérature, Livre, publications, roman policier, salons et dédicaces | Lien permanent | Commentaires (0) |  Facebook | |  Imprimer | |

01 décembre 2014

See, sun and crustacés...

Hier, en Vendée... see, sun and crustacés

11:41 Écrit par Claudine dans Loisirs, nature, Voyage | Lien permanent | Commentaires (0) |  Facebook | |  Imprimer | |