La SGDL prend la défense des auteurs, à l'heure du numérique (09 décembre 2012)

Adhérente de la Société des Gens de Lettres, j'ai assisté à une réunion d'information de mardi 4 décembre à Orléans, animée par Geoffroy Pelletier et Valérie Barthez, qui peut intéresser mes confrères et consoeurs écrivains.

En voici le compte-rendu.

SGDL, écrivains, hôtel de Massa, droits d'auteur

 Tapisserie d'Aubusson sur un carton de Georges Rohner, 1956, hôtel de Massa, dépôt du Mobilier national
George Sand assise avec son éventail, avec Gustave Flaubert, Honoré de Balzac, Victor Hugo, Alexandre Dumas.

Une fois n’est pas coutume, la SGDL descend en province, pour nous parler des droits d’auteur, des contrats d’édition et de la cession des droits numériques.

 

Présentation de la SGDL

Fondée en 1818 par nos illustres écrivains du XIXème, dans le but de défendre les auteurs et leurs droits.

Pour être adhérent, il faut avoir publié au moins un livre à compte d’éditeur.

Pour être sociétaire, il faut avoir publié au moins six livres à compte d’éditeur.

Il y a aujourd’hui 6000 adhérents.

En 1929, l’immeuble de la SGDL, l’hôtel de Massa, qui se trouvait sur les champs Élysées a été déplacé pierre par pierre à son adresse actuelle, 38 rue du Faubourg-Saint-Jacques, dans le 14ème .

La SGDL a un rôle social, juridique (les adhérents peuvent consulter avant de signer un contrat, un rôle de formation et d’information.

Pour tous, elle a une activité de dépôt de manuscrits papier et numérique, protégé et daté grâce au système « Cléo ».

Elle représente les auteurs auprès du gouvernement et des institutions européennes. Elle travaille à remettre en lecture les œuvres indisponibles et les œuvres orphelines.

C’est une instance de liaison entre les auteurs et les éditeurs, en particulier le SNE, syndicat national des Editeurs qui comprend les plus grands éditeurs français. Elle défend les droits d’auteur. Elle décerne et dote un prix littéraire annuel.

Elle organise des manifestations toute l’année, dans les médias, les forums et elle est présente tous les ans au cœur du Salon du Livre de Paris en partenariat avec la SCAM, la charte des auteurs jeunesse et la TLF (les traducteurs).

La SGDL constitue un catalogue des coordonnées des ayants-droits des écrivains pour ressortir de l’oubli des œuvres indisponibles ou pour retrouver les auteurs des œuvres orphelines.

La SGDL ne perçoit aucune subvention pour garder toute sa liberté d’action.

 

La propriété intellectuelle et les droits d’auteur

Les droits de l’auteur se décomposent en droit moral et droit patrimonial.

·      Le droit moral repose sur la personne de l’auteur. Il est incessible, imprescriptible et inaliénable.

Les attributs du droit moral sont les suivants :

-         Droit de divulgation (l’auteur choisit de communiquer son œuvre au public)

-         Droit à la paternité (obligation de mentionner le nom ou le pseudo de l’auteur)

-         Droit au respect de l’œuvre (l’éditeur ne peut pas modifier le texte sans l’accord de l’auteur)

-         Droit de retrait ou de repentir (possibilité de retirer son œuvre du commerce moyennent indemnisation de l’éditeur)

Le droit au respect est remis en cause avec le numérique : quid du découpage des textes, de la vente au chapitre, de la diffusion d’extraits ? C’est une atteinte à l’intégrité de l’œuvre.

·      Le droit patrimonial recouvre :

-         le droit de reproduction

-         le droit de représentation

Ces droits sont limités dans le temps. Les droits d’une œuvre sont protégés 70 ans après la mort de l’auteur (+ 30 ans pour les auteurs morts pour la France).


Le contrat d’édition

I   – Le contrat d’édition doit être écrit (le premier tirage doit être indiqué)

II  – Obligations de l’auteur :

-         remise du manuscrit sous la forme convenue

-         garantie de la neutralité, du respect du bon droit

         III – Obligations de l’éditeur :

-         fabriquer les ouvrages en nombre

-         assurer une promotion permanente et suivie

-         rémunérer l’auteur

-         rendre des comptes annuellement

-         garantir le respect du droit moral de l’auteur

 

IV – Les questions qui se posent :

·      La notion de « promotion permanente et suivie » n’a jamais été vraiment définie, en cas de litige la jurisprudence apprécie.

·      La durée du contrat , elle est déterminable et non systématiquement celle de la propriété intellectuelle. Sans durée écrite, le contrat est nul

·      La rémunération peut être fixée à la proportionnalité ou au forfait. Le pourcentage est toujours fixé sur le prix de vente publique HT. La loi sur le livre numérique veut garantir une rémunération juste et équitable, Ce qui reste imprécis.

·      La résiliation pose aujourd’hui quelques problèmes du fait de l’impression à la demande (marché en expansion) qui remet en question la notion de tirage épuisé. et ne permet plus à l’auteur de reprendre ses droits (papier) pour cause d’épuisement du stock.

Il est impossible de distinguer si un ouvrage est l’objet d’un tirage supplémentaire. Le progrès technologique permet d’inverser la notion commerciale d’offre et de demande, ce qui contourne le critère de promotion permanente et suivie.

 

GESTION COLLECTIVE DES DROITS

- Reprographie :

Le CFC - Centre Français d'exploitation du droit de copie - gère les officines de photocopies des textes, reçoit la rémunération et redistribue l’argent aux auteurs via les éditeurs. Si les livres sont copiés, l’éditeur doit l’indiquer sur la reddition des comptes. Le site de la CFC peut être consulté pour vérifier les copies.

 

-   Droit de prêt :

SOFIA gère les organismes de prêt (bibliothèques). Les adhérents de SOFIA reçoivent directement les sommes de SOFIA, qui collecte les droits sur les livres vendus par les libraires aux bibliothèques, plus un forfait par usager pour les lectures puibliques.

 

NUMÉRISATION des livres indisponibles

1er Mars 2012 : mise en œuvre par la BNF de la numérisation des livres indisponibles (Constat d’un corpus de 500.000 titres par an qui disparaissent) grâce à une subvention dite « le grand emprunt » qui ne sera certainement jamais remboursé.

C’est SOFIA qui accorde les autorisations de numériser et qui recherche les auteurs ou les ayants-droits des écrivains en publiant chaque année la liste des œuvres numérisables. L’auteur a la possibilité de s’y opposer dans un certain délai (exerçant alors son droit de retrait).

Le projet vise l’exhaustivité des titres numérisés, après la première tranche des 50.000 livres choisis.

Pour ce premier choix, utilisation du filtre « ARO » des livres basés sur ELECTRE.

 

LES DIFFICULTÉS DU NUMÉRIQUE

-         Offre limitée : peu de livres sont numérisables (réplique homothétique du livre papier).

-         Revenus limités pour les auteurs : moins de 2% des revenus. Prévisions de 13 à 15%  des revenus dans 4 ou 5 ans tous secteurs confondus.

-         Marché déstabilisé : c’est un nouveau métier, les gens dans les maisons d’édition sont peu motivés pour se former

-         Dimension géographique : comment maîtriser les ventes dans les pays étrangers ?

-         Investissement et retour des livres ?

-         État déstabilisé qui laisse les choses se faire toute seules : la SGDL veut fixer les règles et les rôles.

-         Les auteurs aussi sont déstabilisés : y voient l’occasion de se débarrasser des éditeurs, ont peur de se faire pirater, se posent la question de la protection des textes .

-         Durée du contrat d’édition numérique : la prévoir courte en attendant d’y voir plus clair.

 

DISCUSSIONS AVEC LE SNE (SYNDICAT DES ÉDITEURS)

La SGDL s’est tournée vers les éditeurs avec l’intention d’adapter le code des usages au numérique, voire ensuite envisager une modification législative.

Les associations d’auteurs et la SGDL souhaitaient :

·      Des contrats séparés pour le numérique, à durée limitée

·      Une rémunération calculée autrement qu’au pourcentage, avec maintien de l’assiette de rémunération même si le livre numérique est vendu moins cher, car moins onéreux.

·      Le Bon à tirer numérique approuvé par l’auteur

·      Une périodicité plus importante des redditions de comptes avec accès au site de l’éditeur

·      Un organisme (le CNL) de récupération et de redistribution des droits numériques comme dans le cinéma.

Sur tous ces points blocage complet des éditeurs. Et notamment sur la durée limitée des contrats : c’est un vrai tabou.

L’éditeur veut tous les droits sur le livre papier et numérique mais, en cas de rupture, veut garder le droit numérique.

La SGDL défend, d’une manière globale :

-         la possibilité pour l’auteur de récupérer ses droits numérique ou papier) si le titre ne marche pas,

-         la durée limitée de la cession des droits,

-         une définition précise de la notion « d’exploitation permanente et active » avec diffusion de l’œuvre,

-         et en cas de non respect de la reddition des comptes, la rupture pure et simple du contrat.

Les éditeurs jouent la montre, forts de ce que les auteurs signent actuellement des contrats en leur défaveur.

Mise en place d’une commission pour rédiger un code des usages numériques et poser des principes.

Constat que certains auteurs plus téméraires obtiennent des avantages que le SNE refuse d’admettre en général.

Une nouvelle phase de discussions s’annonce, en attendant un projet de loi pour 2013...

22:42 Écrit par Claudine | Lien permanent | Commentaires (0) |  Facebook | |  Imprimer | |