L'édition en question : un premier constat... (16 février 2006)


1.                              Le business. L'édition contemporaine  n'a plus aucun rapport avec ce qu'elle pouvait être encore au vingtième siècle parce que le business a remplacé l'économie de papa. C'est un lieu commun de dire que nos plus prestigieux auteurs ne seraient pas publiés aujourd'hui. On n'a plus le temps d'attendre que la qualité et les idées convainquent un lectorat.  Un livre - comme un film, un disque, etc. - doit générer un maximum de profits sur une durée la plus courte possible : il doit plaire immédiatement.
 
2.                              Le choix des mots. On ne parle plus d'œuvre, terme qui connote l'image de l'artiste solitaire et laborieux, mais de produit, plus fun. Inversement on ne fait pas la pub de ce produit mais sa promo. Le chipotage linguistique change de camp : un produit certes, mais auréolé d'une valeur ajoutée artistique, qui rendent branchées des émissions telles que  "tout le monde en parle", révélatrice de notre époque. Pour motiver l'achat, le valoriser et l'inciter, il est essentiel de distinguer le "produit culturel" dont on fait la promo du "produit alimentaire" dont on fait la pub.
 
3.                              Le choc des mots. La promo d'un produit artistique passe par quelques minutes d'un visage sur un plateau télé, ou un interview radio. L'éditeur et la chaîne de télé ou de radio ont le même objectif de rentabilité immédiate : d'où le turn-over des mêmes têtes, aux visages et aux noms déjà enregistrés par les neurones des acheteurs pressentis. L'efficacité de ce star-système mise donc sur les bonnes gueules, celles qui accrochent, qui font sourire, qui créent la connivence et qui rapportent. Ou à l'inverse ceux qui créent la polémique. Il faut séduire pour avoir du talent ! Les éditeurs deviennent donc à leur insu des "bookmakers" (!)
 
 
4.                              Le paradoxe de ce système éditorial à grande vitesse c'est le contrat proposé aux écrivains. Alors qu'une poignée d'entre eux constituent la locomotive de la maison et,  je le suppose et j'espère, bénéficient de contrats sur mesure, la majorité des sans-grade - qui ne passent jamais par la case médias,  dont les livres restent quelques jours dans le meilleur des cas sur les gondoles des libraires - cèdent tous leurs droits pour "la durée de la propriété littéraire",ce qui signifie toute leur vie et encore soixante-dix ans après leur décès. Dépossédés totalement de leur œuvre par ce contrat, ils peuvent en outre voir ce contrat revendu à d'autres maisons d'édition, négociés à l'étranger, moyennant un forfait avantageux pour le seul éditeur. Autrement dit : si l'auteur ne profite pas d'une distribution convenable, son livre tombe dans l'oubli sans qu'il lui soit possible de faire quoi que ce soit… Pour peu qu'un "droit de préférence" l'oblige à proposer ses prochains livres en exclusivité au même éditeur et que celui-ci les refuse, sa carrière est morte, sauf à entreprendre une action judiciaire…  Mais sa rémunération de misère  ne lui en donne pas les moyens. Ajoutons, qu'il est quasiment impossible de connaître l'état des ventes  d'un livre…
 

12:22 Écrit par Claudine | Lien permanent | Commentaires (1) |  Facebook | |  Imprimer | |